Contrefaçon : lutter à la source et s'adapter non-stop

La contrefaçon évolue, les moyens de la contrer aussi. La directrice propriété industrielle du groupe SEB, largement confronté au problème dans plusieurs régions du globe, nous explique comment il fait face à ce fléau industriel.

> Dans quelles zones géographiques SEB fait-il face à la contrefaçon ?

Géraldine Guéry-Jacques : En Europe, aux États-Unis et plus généralement dans les pays matures, les consommateurs sont « éduqués » sur ces sujets, les distributeurs sont nos partenaires, la commercialisation à la sauvette n'existe pas : tout le monde a intérêt à avoir le produit original. Nos actions se concentrent principalement en Chine. Notre volonté est d'agir avec rapidité et efficacité à la source des problèmes. Il faut parvenir à arrêter la fabrication de produits copiés pour éviter ensuite leur commercialisation partout dans le monde. Le sujet est moindre en Afrique subsaharienne, au Maghreb, et dans certains pays émergents où les montants impliqués sont encore faibles pour lancer de multiples actions juridiques aléatoires dans ces pays.

> Quels types d'actions menez-vous ?

G. G-J. : Nous avons trois grandes formes de parades. D'abord, nous faisons de la prévention. Nous protégeons toutes nos innovations par des titres de propriété industrielle : des brevets d'invention — en 2015, le groupe Seb était 18e du classement INPI des 20 premiers déposants avec plus 110 brevets publiés — ; des modèles — en moyenne, 80 par an — ; et enfin des marques — nous renouvelons régulièrement la protection mondiale de nos marques les plus connues, souvent les plus copiées : Tefal, Moulinex, Krups, Rowenta, etc. C'est une stratégie qui a un rôle dissuasif efficace. Deuxième type de parade, la veille. La majorité des copies sont produites par des PME chinoises qui n'ont pas de structure commerciale à l'international mais exposent dans des salons professionnels comme la foire de Canton par exemple. Nous nous y rendons et si nous constatons des contrefaçons, nos avocats interviennent immédiatement. Enfin, en dernier recours, nous menons une action juridique. Celle-ci passe d'abord par des lettres d'avertissement, puis une procédure de pré-contentieux, enfin un recours au tribunal en cas de besoin.

> À l'échelle mondiale, il existe des différences culturelles de perception sur les sujets liés à la propriété intellectuelle. Comment parvenez-vous à vous faire entendre en Chine par exemple ?

G. G-J. : Le système de propriété intellectuelle est apparu en Chine dans les années 1980 et depuis, il y a eu énormément de progrès, avec la nomination de juges compétents, la formation d'experts et la mise en place de tribunaux et de procédures sur ces sujets. Cela nous permet d'agir à la source le plus vite possible pour contrer le fabricant copieur et éviter l'inondation des marchés par des produits contrefaisants.

> Cette politique vous permet-elle de faire diminuer le risque de contrefaçon ?

G. G-J. : Le problème est que les contrefacteurs se sont adaptés ! Avant, ils se contentaient de copies carbones des produits, aujourd'hui, ils réalisent des copies « intelligentes », ressemblantes mais pas identiques, avec des petites modifications de nom et de design. Cela nous amène à utiliser de plus en plus les brevets d'invention qui protègent l'innovation technique. Nous essayons d'être créatifs, par exemple nous faisons des sessions de travail en nous mettant dans la peau de contrefacteurs et en imaginant ce que seraient leurs stratégies de contournement. Nous déposons alors nous-mêmes des brevets complémentaires lorsqu'il y a matière à le faire. Autre tendance : la contrefaçon sur Internet. Nous surveillons les sites de e-commerce pour vérifier qu'il ne s'y vend pas de produits copiés. Les contrefacteurs sont très au fait des sujets de propriété intellectuelle ; à nous de trouver des stratégies pour les contrer efficacement et rapidement.