« Un brevet est la meilleure preuve d’une innovation »

Dans notre série sur le rôle de la propriété intellectuelle dans la croissance des start-up, rencontre avec Constance Madaule, cofondatrice et directrice générale de Sericyne, l’entreprise qui a révolutionné la manière de fabriquer de la soie française naturelle non tissée.

Comment vous est venue l’idée de cette nouvelle matière qui change la donne dans un secteur pourtant très fermé ?
Constance Madaule : Mon associée, Clara Hardy, a étudié la filière soie dans le cadre de sa scolarité à l’école Boulle. Elle a remarqué la longueur du processus de production lié à l’élevage des vers à soie, et situé désormais à 95 % en Chine. Elle s’est posé la question suivante : pourquoi ne pas imaginer de se passer de cocons et produire en France ? Elle a contacté un chercheur de l’INRA qui s’est pris au jeu : ensemble, ils ont essayé d’imaginer comment poser les vers à soie sur des moules de façon à tisser de la soie directement en forme d’objet. Ingénieur agronome en dernière année d’étude, j’ai travaillé avec elle sur ce projet, qui m’a passionnée. Nous n’avons pas osé créer tout de suite l’entreprise. Clara a travaillé pendant un an dans un cabinet de design, tandis que j’ai rejoint Accenture. Mais en mai 2015, nous avons démissionné toutes les deux et nous nous sommes lancées dans cette aventure.

Sur quoi s’appuie votre stratégie d’innovation ?
C. M : Nous avons deux grandes ambitions : faire en sorte que la soie Sericyne devienne incontournable dans le monde du luxe, et relancer la sériciculture française, une filière qui a presque totalement disparu. Nous avons un peu tâtonné pour construire notre modèle économique. Nous pensions faire du B to C mais avons rapidement réalisé que cela demandait trop d’investissements pour une petite structure comme la nôtre. Nous nous sommes donc tournées vers les marques de luxe et le B to B. Nous avons convaincu certaines grandes maisons de la qualité de notre soie et du caractère unique et rare de nos objets. Elles ont également été sensibles à l’argument du « made in France. » Grâce à une levée de fonds de 680 000 euros auprès de business angels, nous venons d’ouvrir un atelier dans les Cévennes qui emploie quatre salariés et reçoit tous les jours 1 000 vers à soie.

Quelle a été votre politique en matière de protection industrielle ?
C. M : À la création de la société, nous nous sommes demandé si en matière de protection industrielle, le secret n’était pas la meilleure façon d’éviter toute copie ou contrefaçon. Mais nous voulions aussi pouvoir communiquer sur le fait que nous proposions quelque chose de très innovant, et le brevet est le meilleur moyen de prouver cela. Nous avons donc déposé un brevet il y a un an sur la technique et l’application de notre nouveau matériau. Cela a rassuré nos partenaires financiers et nos clients, et augmenté la valeur immatérielle de l’entreprise. Comme nous sommes sans cesse en train d’essayer d’améliorer nos produits et de garder un temps d’avance — nous avons d’ailleurs un laboratoire d’innovation à Paris —, nous devrions très prochainement pouvoir déposer de nouveaux brevets.