« Construire un brevet fort ? » La préparation du dépôt : la clé d’une protection efficace de votre innovation.
Cet article fait partie des contenus envoyés dans la newsletter Coaching INPI. Cette newsletter a pour objectif de vous informer tous les mois sur des sujets de propriété industrielle.
Jean-Christophe Rolland est spécialisé dans la gestion de portefeuilles de brevets auprès de grands comptes ainsi que de petites et moyennes entreprises innovantes. Ancien président de la CNCPI, son expérience dans le développement de solutions sur mesure contribue à améliorer le potentiel de la PI des projets de ses clients, notamment en cultivant une relation plus étroite entre la PI et les équipes de R&D ou d’ingénierie. Dans l’éventail de stratégies possibles concernant la robustesse d’un brevet, il nous livre son point de vue et nous fait part des réflexes à avoir pour échanger efficacement avec un conseil en propriété industrielle (CPI).
1. Quelles sont les informations que le CPI doit collecter en amont de la rédaction du brevet ? Quels types d’analyses doit-il faire ?
Jean-Christophe Rolland : On croit souvent qu’il faut identifier les caractéristiques les plus innovantes du produit ou du procédé développé. C’est vrai. Cependant, il est aussi très utile de bien identifier les caractéristiques qui peuvent lui procurer un avantage compétitif. Ce ne sont pas toujours les mêmes et il est particulièrement intéressant de combiner les deux approches. Le rôle du conseil en propriété industrielle est de vous guider dans cette démarche. Grâce à son expertise technique et ses compétences en propriété industrielle, il pourra vous donner un regard sur les solutions à envisager pour préparer et rédiger votre futur titre.
L’invention pour laquelle vous envisagez de demander un brevet doit être non seulement une solution technique à un problème technique, mais doit également être nouvelle, impliquer une activité inventive et être susceptible d’application industrielle.
En savoir plus : les critères de brevetabilité
Il est également utile de pouvoir lui indiquer différents modes de réalisation concrets de l’invention. Grâce à cela, le CPI pourra valider avec vous la formulation la plus générique possible de ses caractéristiques différenciantes afin de conférer au brevet une portée la plus large possible. De façon pratique, il n’est pas nécessaire de disposer d’un prototype ou même de plans détaillés. De simples explications, éventuellement complétées par des schémas de principe, suffisent le plus souvent.
Il est aussi à noter que, si vous doutez encore de ce qui permet à votre invention de fonctionner et d’atteindre son but, il sera utile de poursuivre vos travaux de développement, par exemple par des essais ou des simulations. Une fois les choses clarifiées, mieux vaut ensuite déposer sans tarder.
Si vous pensez apporter des perfectionnements dans les mois qui suivent, attendre présente un risque. Vous pouvez au contraire réaliser plusieurs dépôts de façon successive, dans l’année qui suit votre dépôt de base, ce qui permettra à l’ensemble des informations pertinentes de bénéficier de la date de protection la plus ancienne.
Il y a donc un bon timing à trouver entre processus d’innovation et dépôt.
Pour vous aider dans cette démarche, des financements (dont le Pass PI) sont à votre disposition pour la rédaction du dépôt de titre.
Pour aller plus loin, les solutions de financement de la propriété intellectuelle.
2. Pourquoi une recherche d’antériorités est essentielle à la préparation du dépôt ?
Jean-Christophe Rolland : Il est aussi recommandé, avant dépôt, de faire le point sur l’état de l’art. Vous pourrez ainsi avoir la confirmation d’une définition pertinente de l’invention aux regards des critères de brevetabilité (nouveauté/activité inventive).
Pour être valablement protégée, votre invention doit être nouvelle et inventive. L’une des démarches préalables nécessaires au dépôt d’une demande de brevet est donc de faire le point sur l’état de la technique de votre invention (demandes de brevet ou brevets antérieurs, publications, articles, divulgation sur internet, etc.).
En outre, afin de ne pas vous retrouver vous-même dans la position du contrefacteur si vous exploitez votre invention, vous devez a minima identifier, s’il y en a, les brevets et demandes de brevets françaises, européennes et internationales encore en vigueur (les 20 dernières années par mesure de sécurité) portant sur des inventions identiques ou similaires.
Au besoin, la définition de l’invention sera retravaillée pour placer le curseur au bon endroit entre portée du brevet et brevetabilité.
- En effet, un brevet trop large risque de ne pas être valable car son objet sera dépourvu de nouveauté ou ne présentera pas d’activité inventive.
- A l’inverse, un brevet définissant l’invention de manière trop restreinte présentera une validité plus facile à défendre, mais sera contournable par vos concurrents par des modifications de leurs produits ou process développables à moindre effort, privant le brevet de son intérêt business.
Attention donc à la fois à trop d’enthousiasme et à l’autocensure.
Il convient plutôt de se servir des résultats de la recherche pour donner une définition de l’invention en entonnoir, du générique au spécifique, ceci avec le plus de définitions intermédiaires possibles. C’est le cœur de l’expertise du CPI, en particulier dans la rédaction des revendications du brevet.
Pour aller plus loin, faites vos premières recherches sur Data INPI. Elles ne seront pas exhaustives mais pourront vous donner un premier aperçu du fonctionnement de vos concurrents.
3. Que faut-il mettre dans le brevet ? Que peut-on garder secret ?
Une demande de brevet doit exposer « l’invention de façon suffisamment claire et complète pour qu’un homme du métier puisse l’exécuter » (articles L613-25 et L612-5 du Code de la propriété intellectuelle).
Jean-Christophe Rolland : Certains reprochent parfois au brevet de fournir trop d’informations sur l’invention. Certes, en échange de la protection accordée par le brevet, il est exigé que l’invention soit divulguée pour enrichir les connaissances techniques générales. Mais divulguer l’invention ne veut pas dire étaler au grand jour l’ensemble des informations liées à son développement.
D’une façon pratique, il est généralement considéré qu’il suffit de donner les informations permettant d’obtenir un prototype fonctionnel permettant au lecteur du brevet de disposer de suffisamment d’information pour reproduire un objet qui serait couvert par la portée des revendications. Divulguer votre savoir-faire ou vos secrets d’affaires n’est pas nécessaire. Vous pourrez donc garder confidentielles les données qui vous permettent d’avoir une exploitation la plus profitable dans le contexte de votre outil de production et de votre modèle d’affaires.
Là encore, le conseil en propriété industrielle vous aidera à faire le tri, typiquement en retenant pour la description du brevet ce qui sera de toute façon accessible à la concurrence par des opérations d’ingénierie inversée (« reverse engineering ») une fois votre produit commercialisé. Bien souvent, les titulaires de brevets en disent plus sur leur invention par leur communication technique et commerciale que par le contenu de leur brevet.