Endodiag : la biotechnologie contre l'endométriose

Ingénieure biomédicale et entrepreneure dans l'âme, Cécile Réal a su mettre ses ambitions et talents au service de la santé des femmes. Sa société propose des diagnostics innovants d'une maladie jusque-là plutôt taboue mais pourtant assez courante : l'endométriose.

En 1999 déjà, à seulement 25 ans, Cécile Réal crée une première société proposant un composant innovant pour prothèses orthopédiques. Après sa revente, elle conseille des start-up dans le domaine de la santé mais l'envie d'avoir sa propre structure la reprend. C'est en plongeant dans des recherches médicales sur l'endométriose qu'elle trouve son sujet. Elle est en effet frappée par les caractéristiques de cette maladie et la lourdeur de son diagnostic. Cette dernière touche une femme sur dix mais n'est en moyenne diagnostiquée que neuf ans après son apparition. L'endométriose, qui se caractérise par le développement anormal de tissu en dehors de l'utérus, a alors eu le temps de provoquer lésions, kystes douloureux et souvent infertilité. C'est d'ailleurs généralement à l'occasion d'un bilan de fertilité qu'elle est suspectée. Pour être confirmé, le diagnostic nécessite une analyse de tissu prélevé par chirurgie. Quant au traitement, il passe parfois par des doses hormonales souvent difficiles à supporter pour les patientes. En créant Endodiag en 2011 avec trois associés*, Cécile Real veut développer des solutions de diagnostic précoces non invasives. Leur idée ? Mettre au point un test qui permettrait de savoir à partir d'une simple prise de sang si la patiente souffre d'endométriose.

Une prochaine révolution dans la vie des patientes

La jeune dirigeante s'entoure d'une petite dizaine de personnes et enclenche un processus de recherche et développement s'appuyant sur les travaux de spécialistes reconnus et collaborant avec des académiques en dehors des frontières françaises. Le sujet est en effet mondial. L'équipe vise donc d'entrée de jeu la France mais aussi l'Europe et les États-Unis. Comme toutes les start-up de ce domaine, la société est confrontée à la nécessité de trouver les financements nécessaires au temps long de la recherche et ses aléas. Une première levée de fonds a lieu dès 2012 auprès d'investisseurs privés et permet de récolter 750 000 euros. Une seconde levée de fonds est en cours, avec un objectif plus ambitieux de 4 millions d'euros. La jeune société est également soutenue par la BPI. Très vite, elle s'est inscrite dans tout un écosystème porteur : le génopole d'Evry, Medicen, Innotechmed (l'association des entreprises du secteur des technologies médicales) ; Cécile Réal étant par ailleurs vice-présidente de Médicalps, le cluster de l'industrie de la santé de Grenoble. Un environnement favorable qui permet à l'équipe d'aller relativement vite. Aujourd'hui, l'EndoDtect – c'est le nom du diagnostic – en est à la phase de validation clinique. Concrètement, cela signifie que l'industrialisation et la commercialisation du test pourraient commencer d'ici 2018. La société travaille aussi sur la manière de qualifier le degré d'agressivité de la maladie et les risques de récidive, deux champs pour l'instant largement ignorés. Quant au kit de prélèvement chirurgical spécifique baptisé l'EndoGram, il permettrait lui d'améliorer la prise en charge et la connaissance de la maladie. « Pour avancer sur cet objectif, nous venons de mener une étude clinique de plus de deux ans auprès de patientes de plusieurs pays », explique Cécile Réal.

Protection et collaboration

La société a bien sûr le souci de protéger les résultats de ses découvertes. L'EndoDtect s'appuie sur des combinaisons de biomarqueurs. Ces combinaisons ont fait l'objet de dépôts de brevets sur les conseils de cabinets de propriété intellectuelle spécialistes de l'univers biomédical. « Ce domaine est tellement complexe que nous devons nous faire aider, sans compter que chaque zone géographique a ses propres règles », commente la jeune ingénieure. Aux États-Unis, par exemple, l'association de marqueurs déjà connus n'est pas toujours considérée comme une invention, contrairement au cas français. Enfin au cours de ses travaux de recherche, l'équipe s'est rendu compte qu'il existait des mécanismes communs entre l'endométriose et d'autres pathologies comme le cancer. La société a donc eu l'idée de proposer des partenariats à d'autres entreprises pour que celles-ci puissent tester leurs propres médicaments sur des tissus biologiques stockés dans la « biobanque » d'Endodiag.

Vers une maladie moins taboue

Toutes ces innovations ont été saluées et récompensées. Dès 2011, Endodiag a été lauréate du concours national création d'entreprises de technologies innovantes du Ministère de la Recherche. Un an plus tard, Cécile Réal a reçu le Cartier Women's Initiative Award, un prix prestigieux saluant son engagement dans cette cause. Car en plus de ces avancées scientifiques, Endodiag lutte pour que cette maladie soit moins taboue. En partenariat avec BePATIENT, le Génopole, Avenir Femmes Santé et des associations de patientes, elle a lancé une plateforme collaborative d'information et d'accompagnement des patientes : www.oz2020.com. Cinq ans après la création d'Endodiag, sa fondatrice est plutôt optimiste sur l'évolution de la prise en charge de la maladie. « Avant, il s'agissait d'une pathologie méconnue et presque honteuse ; aujourd'hui, tout un mouvement s'est déclenché pour que les choses changent », conclut-elle.

 

* Jean Bouquet de Jolinière, chirurgien gynéco-obstétricien et Jean Gogusev, anatomo-pathologiste, tous deux auteurs de la recherche médicale citée, ainsi que Patrick Henri, spécialiste du marketing.