Air Serenity : une solution contre la pollution intérieure
L'innovation passe souvent par des chemins de traverse. C'est la conviction que partagent Joseph Youssef et Matthieu Coutière, respectivement fondateur et directeur général d'Air Serenity. En 2010, le premier finit une thèse à l'Ecole Polytechnique chez Renault sur la qualité de l'air. Au cours de ses recherches, il fait une découverte fondamentale : l'utilisation de plasmas froids peut grandement aider à fixer et filtrer certains polluants. L'Ecole Polytechnique protège l'invention en déposant un brevet qui sera réattribué au jeune ingénieur en 2012. En plus de la découverte technique, il a une idée de génie : sortir de l'univers de l'automobile pour tester ces filtres à l'intérieur des maisons. « Innover, c'est penser autrement, prendre des idées d'un univers et les appliquer à un autre », estime son compère Matthieu Coutière. Le sujet de la qualité de l'air intérieur – chez soi ou dans les bureaux fermés – commence aujourd'hui à être sérieusement considéré en France. Aux Etats-Unis, où un quart des foyers est équipé en purificateurs d'air, ou en Allemagne, cela fait des années qu'il est une préoccupation de premier plan. La multiplication des allergies, des problèmes d'asthme chez les enfants ou encore des symptômes respiratoires en font effectivement un sujet de santé publique.
« Convertir des innovations en vrais produits »
En 2012, lorsque Joseph Youssef fonde Air Serenity avec deux autres associés, il met donc au point une technologie de purification d'air combinant trois éléments : un filtre (HEPA F7) pour capturer les particules fines et autres allergènes, des mini éponges pour absorber les pollutions chimiques et COV (composés organiques volatiles) et un filtre plasma pour fixer puis désactiver les microbes et les bactéries. Bien que prometteur, le projet perd en cours de route les deux associés initiaux de Joseph Youssef. Le jeune ingénieur s'accroche et rencontre alors Matthieu Coutière qui vient de quitter Alcatel Lucent et qui cherche une start up à relancer. Sa passion ? : « convertir des innovations en vrais produits ». Il s'engage dans l'aventure, investissant dans la société et démarrant toute une série de chantiers. Le premier sera de faire baisser les coûts de fabrication du produit. En effet, le purificateur en version prototype coûte 7000 euros. En plus, il ressemble à une boîte de conserve avec un ventilateur qui pousse de l'air à l'entrée : « invendable pour les particuliers » se souvient Matthieu Coutière. L'ingénieur entreprend donc de créer des premières séries en faisant fabriquer des petites pièces par des sous-traitants, ce qui permet déjà de faire baisser le coût unitaire à 1800 euros. Suit un travail de design qui rend l'objet plus seyant et facile d'utilisation. Des premiers clients achètent cette version bêta, un signal encourageant pour la jeune pousse. Parallèlement, l'équipe, qui s'étoffe progressivement, prépare une levée de fonds auprès de partenaires privés et d'un réseau de business angels. « L'objectif est d'atteindre 500 000 euros pour pouvoir lancer une chaîne de production en France et une chaîne de montage en Chine », explique le directeur général. Cette fabrication en grande série permettrait de vendre à terme le produit entre 500 euros pour la version bureau et 800 euros pour la version domicile.
L'excellence technique française.
Le marché international tend les bras à Air Serenity qui a été sélectionnée en 2015 comme représentante de la French Tech et ambassadrice à la Cop 21 : « Cela nous a permis d'acquérir une forte visibilité. Nous avons des revendeurs américains, chinois, emiratis, russes qui ont exprimé leur intérêt pour notre produit » , souligne Matthieu Coutière. Selon lui, les Français bénéficient à l'étranger d'une excellente réputation pour leurs compétences techniques. « Le drame, c'est de ne pouvoir répondre tout de suite favorablement aux demandes de ces clients, tant que nous ne sommes pas prêts à produire à grande échelle », poursuit-il. Comme souvent dans la vie des start up, il faut être présent sur tous les fronts : trouver les fonds, finaliser le design, assurer la communication, maintenir les relations avec une base croissante de clients et déposer de nouveaux brevets. Pour faire face à ces challenges, cinq personnes devraient rejoindre la société d'ici la fin de l'année. Même si « la fin de l'année, pour une start up, c'est loin ! Tout va très vite », constate Matthieu Coutière, ravi néanmoins de voir comment cette idée originale est devenue un produit répondant à de nombreuses attentes.