C-way : objets connectés pour enfants (et leurs parents !)
Un grand stress peut parfois produire un résultat positif. Jeanne Chaumais en a fait l'expérience après avoir perdu pendant trente minutes – c'est-à-dire une éternité ! – la trace de son fils de cinq ans dans un parc. D'où l'idée d'imaginer un dispositif simple qui permettrait aux parents de localiser leur progéniture aventureuse. La jeune femme, qui a derrière elle tout un parcours marketing effectué en grande partie chez Carrefour, se penche alors sur la question des objets connectés et note qu'ils ont plutôt mauvaise presse. « Ils étaient considérés comme chers et ne remplissant pas vraiment leurs promesses », explique-t-elle. Quant aux trackers GPS déjà existants, ils ne sont pas adaptés aux enfants et génèrent un climat anxiogène. Jeanne Chaumais se dit qu'il y a là un créneau pour qui saurait concevoir des objets ludiques, à leur place dans les univers enfantins et néanmoins truffés d'applications utiles.
Se connecter à sa cible...
Jeanne Chaumais commence à dessiner des prototypes. Peu à peu, l'idée d'un bracelet connecté prend forme. Elle présente le concept à la BPI lors d'un concours d'aide à l'innovation et finit parmi les dix premiers. Cet encouragement se double d'une aide financière. Celle qui était jusqu'à présent une « solo fondatrice » décide alors de passer à la vitesse supérieure. Elle lève des fonds – au total, près de 400 000 euros, essentiellement de la « love money », c'est-à-dire des capitaux apportés par la famille, les amis, les proches – pour pouvoir faire appel à un bureau d'études. Elle dépose aussi la marque C-way et ses logos à l'INPI. Pendant que le bureau d'études travaille sur la partie technologique, elle continue à creuser les aspirations et envies de sa cible principale : les enfants. Elle classe ceux-ci en deux grandes catégories : « Les 3-6 ans qui ne savent pas encore lire l'heure sont attirés avant tout par les jouets ; les 6-9 ans par les montres », explique-t-elle. Pour les premiers, elle conçoit donc un bracelet avec des plots sur lesquels peuvent venir se fixer des Legos, des coques avec des jeux ou des dessins. Un brevet est d'ailleurs en cours de dépôt pour protéger l'innovation modulaire « plug & play ». Pour les seconds, le bracelet se transforme en montre avec un écran sur lequel défilent l'heure... et des messages des parents. Dans les deux cas, un GPS est intégré pour permettre la localisation de l'enfant sur une application smartphone. Mais alors qu'elle est prête à produire en grand nombre sa création, deux problèmes l'arrêtent. Le premier est l'image assez négative qui entoure ce type d'objet. « En France, cette réputation de 'flicage' reste pesante», constate-t-elle. La seconde difficulté est d'ordre technologique : il faut mettre le bracelet à charger tous les jours. Une contrainte compliquée à intégrer pour des enfants et facilement oubliée par leurs parents.
… et avoir de la suite dans les idées.
Loin de se décourager, Jeanne Chaumais, désormais entourée d'une petite équipe, a l'idée d'un second produit qui pourrait servir de chargeur pour le bracelet et qui remplirait des fonctions supplémentaires. À nouveau, la jeune femme applique son flair marketing à sa cible. Elle a constaté notamment que les enfants empruntent souvent les téléphones de leurs parents pour écouter de la musique. Autre cas concret : il y a de moins en moins de lignes fixes à la maison, il devient plus difficile aux parents de s'assurer que leurs têtes blondes sont bien rentrées après l'école. Pourquoi ne pas créer une « box » adaptée à tous ces usages ? Ce sera la « Bubble » : ronde et lumineuse, elle sert de veilleuse aux plus petits, de réveil aux plus grands. Elle contient leurs playlists musicales, des histoires, des radios pour enfants et rappelle l’agenda de la journée avec des pense-bête comme « Tu as piscine, n’oublie pas ton maillot de bain ! » qui permettent d’acquérir une première autonomie. La Bubble affiche aussi la météo du jour pour s'habiller tout seul et la qualité de l'air. Enfin, elle peut recevoir et envoyer des messages vocaux aux téléphones des parents. Bien sûr, elle sert aussi de réceptacle et de chargeur au bracelet. Autant de fonctions innovantes qui se nichent dans un objet simple d’utilisation, piloté par reconnaissance vocale et qui suit l'évolution des enfants. Après la mise au point des prototypes, l'équipe de C-way devrait lancer la production en octobre 2016. « Entre 2000 et 5000 unités pour commencer », commente Jeanne Chaumais. Le marché est d'emblée mondial, avec un focus sur les États-Unis, qui semblent plus ouverts et mûrs pour ce produit. Un appétit que la start-up a pu vérifier à Las Vegas lors dernier Consumer Electric Show (CES) en tant que représentante de la French Tech. La jeune société, qui devrait compter neuf collaborateurs d'ici à l'automne 2016, cible les consommateurs en direct via des préventes en ligne. Elle a d'ailleurs monté toute une communauté de « followers » sur les réseaux sociaux. Mais elle attire aussi des intermédiaires, des grands distributeurs, ou encore des fabricants de meubles et de décoration qui ont tous déclaré leur intérêt pour la Bubble. Jeanne Chaumais ne renonce pas pour autant à commercialiser le bracelet, l'idée à l'origine de son entreprise. « Finalement, c'est à partir de notre deuxième produit phare que nous devrions pouvoir lancer le premier », souligne-t-elle. L'entrepreneure ne s'interdit pas non plus de penser à de nouveaux produits adaptés aux nouveaux usages des petits... et grands enfants.