Les marques peuvent-elles témoigner de l’Histoire ?
L’INPI conserve dans ses archives toutes les marques enregistrées en France depuis l’adoption de la loi du 23 juin 1857, qui fonde le droit des marques de fabrique et de commerce. Cette collection unique, renferme, dans près de 5000 registres, plus de 740 000 formulaires de dépôt originaux pour la seule période de 1857 à 1965. Ce fonds exceptionnel reflète plus de 100 ans d’histoire des marques, et bien plus encore ...
Si on étudie les marques déposées pendant la première guerre mondiale, on observe par exemple qu’un an après le début du conflit, en 1915, un champagne est déposé sous la marque « Grand Vin On les aura ! » en référence, notamment, à l’affiche réalisée la même année par Abel Faivre pour le 2e emprunt de Défense Nationale. Le 23 novembre 1918, Edmond-Michel LEVY dépose la marque « On les a eus ! » pour un vin de Champagne, célébrant la victoire des Alliés contre l’Allemagne. Quelques jours plus tôt seulement, la signature de l’armistice met fin à quatre années de guerre. « On les a eus ! » devient alors le symbole collectif de la victoire. Mais la monopolisation de ce slogan à des fins d’exploitation commerciale ne semble pas heurter la nation. La marque est validée et enregistrée.
De nombreuses marques, dont les noms ou les représentations sont directement inspirés d’évènements liés à la guerre, sont enregistrées pendant le premier conflit mondial. Elles se comptent par centaines et sont déposées dans tous les domaines industriels. Mais la classe des vins mousseux est particulièrement intéressante à observer, comme en témoigne la marque « Antiboche » déposée en 1915 pour un champagne. Les producteurs de champagne et autres vins mousseux auraient-ils plus de rancœur contre l’Allemagne que d’autres déposants de marques ? Peut-être parce que le conflit fait chuter les ventes ? Ou parce-que les régions productrices sont dévastées par les combats ?
Ces marques - qui seraient pour la plupart aujourd’hui irrecevables - révèlent un état d’esprit, personnel ou collectif, à un moment et dans un lieu donnés. En 1964, la réforme de la loi de 1857 interdit l’enregistrement d’une marque contraire aux bonnes mœurs et à l’ordre public.
L’INPI assure ses obligations légales de conservation de ses archives pour attester de l’enregistrement d’une marque. Mais prises une par une ou dans leur globalité, par période ou par domaine, les marques constituent également une source originale pour esquisser l’histoire d’une société, d’un domaine industriel, d’une période historique, voire pour comprendre une économie locale ou régionale. Les marques sont ainsi le reflet de notre Histoire collective et leur étude éclaire sous un angle nouveau l’histoire économique mais aussi sociale et culturelle de la France contemporaine.