FunCell : faciliter la substitution des emballages en plastique à usage unique

Finaliste des Trophées INPI dans la catégorie « Recherche partenariale », FunCell développe des additifs biosourcés qui rentrent dans la fabrication des papiers et des cartons d’emballage. L’enjeu ? Rendre ces matériaux plus résistants et limiter au maximum l’utilisation de polymères pétrosourcés, c’est-à-dire du plastique. Rencontre avec Julien LEGUY, son directeur technique.
FUNCELL
  • Pouvez-vous évoquer la genèse de votre entreprise ?

 

Julien LEGUY : L’idée de FunCell découle initialement de recherches fondamentales menées sur la fixation de différents types d’additifs polymères biosourcés sur les fibres cellulosiques. Ces recherches ont fait l’objet d’une thèse conduite dans le cadre d’un laboratoire du CNRS, le CERMAV, situé à Grenoble. Elles ont abouti à la découverte de plusieurs propriétés innovantes, liées notamment à la résistance à l’eau et à la résistance mécanique.

Le CERMAV est très proche de l’écosystème économique grenoblois, lié historiquement à l’industrie du papier et du carton : très rapidement, la technologie découverte a été transférée au domaine des fibres papier, composées en grande partie de cellulose.

Concrètement, un projet entrepreneurial a été incubé grâce à la Société d’Aide au Transfert Technologique (SATT)1 Linksium, à partir de 2017.

De mon côté, j’ai rejoint l’aventure en 2019. J’étais en thèse avec l’étudiant qui a développé la technologie que nous utilisons et nous avions tous deux le même directeur de thèse : Laurent HEUX. C’est lui qui m’a proposé de m’associer au projet.

J’ai ainsi pu contribuer à la finalisation du développement technique de l’entreprise et à celles de son étude de marché, afin de vérifier le réel intérêt économique de cette évolution dans le domaine du papier.

Cette même année, nous avons participé au concours d'innovation i-Lab2, ce qui nous a permis de crédibiliser notre projet  – nous avons été nommés grand-prix en 2020 –, mais également de constituer une équipe pluridisciplinaire.

C’est à ce moment-là que les deux autres fondateurs – Gilles du SORDET et Henri SORS –nous ont rejoints. Ils avaient tous deux un profil « économique », tandis que le mien et celui de Laurent était plutôt « scientifique ».

Dès septembre 2020, nous avons créé la start-up FunCell, ce qui nous a permis de booster notre recherche et développement (R&D) et d’entamer les relations commerciales avec nos clients de l’industrie papetière.

 

  • Qu’est-ce qui rend vos méthodes d’innovation performantes et inspirantes ?

 

J.L. : C’est bien sûr le lien que nous avons tissé avec le monde universitaire !

Pour innover au maximum, nous partageons une partie de notre R&D. Pour cela, nous avons mis en place un laboratoire commun3 (Lab-Com) avec le CNRS sur des thématiques qui intéressent à la fois le monde scientifique et le monde économique.

Du côté académique, les recherches vont aboutir à de nouvelles connaissances, pour lancer d’autres thématiques de recherche, voire à des publications scientifiques.

Du côté économique, elles aboutissent à la création de valeur pour FunCell, grâce à des dépôts de brevets et à la commercialisation de nouveaux produits.

La propriété industrielle sur les découvertes effectuées dans ce Lab-Com est partagée entre FunCell et le CNRS. Mais FunCell garde l’intégralité de la valorisation des brevets dans son domaine d’activité.

Le CNRS conserve bien sûr l’entière liberté de développer les nouvelles technologies mises à jour dans d’autres domaines.

Cela nous permet d’accélérer notre R&D puisque nous avons accès à une partie des connaissances du CNRS et à du matériel de pointe qui nous permet de faire des analyses poussées pour bien comprendre ce que l’on fait et affiner nos produits.

 

  • Parlons « propriété industrielle » : quelle stratégie menez-vous en la matière et quelles sont les raisons de son succès ?

 

J.L. : Nous avons déposé plusieurs marques au niveau international sur notre société et nos produits.

Parallèlement, nous brevetons tout ce qui nous parait utile et nécessaire ; que ce soit d’un point de vue commercial, pour protéger les technologies de nos futurs produits, ou d’un point de vue financier, puisque nous avons bien conscience de la valorisation de notre société que les brevets nous permettent d’obtenir. C’est particulièrement utile lorsque nous avons besoin d’effectuer une levée de fonds.

Pour autant, nous ne nous interdisons pas de conserver le secret sur certaines connaissances.

De façon générale, nous restons très proches de notre conseiller en propriété intellectuelle (CPI) et nous n’hésitons pas à le solliciter, pour évoquer avec lui telles ou telles thématiques que nous avons à l’esprit et pour lesquelles nous avons déjà obtenu quelques idées ou résultats prometteurs.

Notre CPI nous guide sur la stratégie à adopter. Cela nous permet, au final, d’être les plus efficaces possibles.

 

  • De quelle façon l’INPI vous aide-t-il au quotidien ? Quel(s) service(s) proposé(s) par l’Institut avez-vous utilisé(s) ?

     

J.L. : Dans le cadre de notre suivi avec Linksium que j’ai déjà évoqué, la SATT avait mandaté l’INPI pour que nous obtenions un accompagnement. Nous avons ainsi bénéficié d’une formation Master Class PI.

Grâce à l’INPI, qui nous a aiguillés, nous avons également pu suivre des formations avec des CPI qui ont permis à nos équipes d’accroitre leurs connaissances sur les recherches bibliographiques en matière de brevet et sur la bonne lecture de ces titres.

Nous profitons aussi de certains financements, comme le Pass PI que nous avons utilisé pour déposer des brevets.

Enfin, l’INPI a mis à notre disposition un outil qui nous semble très efficace : la cartographie de brevets. Elle nous a permis d’avoir une vue à 360 degrés sur notre secteur et d’identifier des thématiques de recherche qui pourraient rendre FunCell encore plus compétitrice sur son domaine.

C’est un outil qui permet aussi, au-delà des brevets, de faire ressortir des sociétés concurrentes que nous n’aurions pas forcément identifiées comme telles.

 

  • En 2023, FunCell a procédé à une première levée de fonds de 4,8 millions d'euros ; une deuxième est envisagée courant 2025. Dans ce contexte, comment orientez-vous votre stratégie de recrutement, notamment en termes de profils recherchés ? Quel est l'impact de ces recrutements sur votre politique en matière d'innovation ?

 

J.L. : FunCell développe et produit ses additifs pour le papier et qui dit « produire » dit « outil industriel ». La première levée de fonds nous a permis de construire un premier pilote4 de niveau industriel, et un second pilote plus important est à l’étude pour 2025. La levée de fonds de 2025 nous permettra de lancer la production grandeur nature.

Tout cela va bien sûr se traduire par des emplois. La levée de fond de 2023 a permis d’étoffer notre équipe, notamment en R&D, ce qui va nous permettre de continuer à innover et de développer de nouvelles gammes de produits.

Nous sommes également en train d’augmenter la taille de notre outil industriel pour mettre en place notre pilote actuel et réaliser les productions dont nos clients auront besoin pour leurs essais.

Dans un futur proche, à l’horizon 2026-2027, nous aurons besoin de nombreux techniciens et opérateurs pour réaliser la production.

 

  • Qu’est-ce qui vous motive, vous et vos équipes, au quotidien ?

 

J.L. : Ce qui nous fait carburer, c’est de développer des produits innovants, respectueux de l’environnement. C’est notre leitmotiv : faire mieux que la concurrence sur le sujet !

Ce qui nous motive, c’est aussi de convaincre les papetiers de remplacer les additifs pétrosourcés qu’ils peuvent utiliser par nos produits biosourcés.

C’est une problématique moins connue que celle de l’origine durable ou non du bois utilisé pour fabriquer la pâte à papier ou que celle de la consommation en eau de cette industrie, mais la nature polluante ou non des additifs utilisés pour obtenir des propriétés de renforcement mécanique ou de surface a elle aussi son importance !

Pour vous donner un exemple frappant, nous cherchons à développer nos produits pour qu’ils puissent apporter une propriété barrière au carton. Cela nous permettrait d’apporter une alternative au secteur alimentaire et cosmétique, qui utilise en masse du plastique pour recouvrir ses contenants.  On peut penser notamment aux gobelets des distributeurs, qui sont en très grande majorité recouverts d’un film plastique. Cela les rend actuellement non biodégradables et difficilement recyclables…

Mais, nous aurons bientôt une solution globale à proposer, pour rendre le papier hydrophobe (étanche à l’eau pour le dire simplement) et également étanche à la graisse (pour la nourriture) pour remplacer les fameux PFAS5. C’est vraiment enthousiasmant !

 

  • Trois mots pour donner envie au jury de vous désigner lauréat ?

 

J.L. : innovant, biosourcé, renouvelable !

 

1: Les SATT sont des acteurs économiques dont l’objectif est d’accroître l’efficacité du dispositif français de valorisation de la recherche publique, en accélérant notamment son transfert et son utilisation par l’industrie. Ce sont des structures à vocation locale qui agissent pour le compte de leurs actionnaires (universités, écoles, organismes de recherche).
2: Il s’agit d’un concours national annuel opéré par BpiFrance qui a pour objectif de détecter des projets de création d’entreprises de technologies innovantes et de soutenir les meilleurs d’entre eux grâce à une aide financière et à un accompagnement adapté.
3: Il s’agit d’un programme de l’Agence nationale de la recherche dont l’objectif est d’inciter les acteurs de la recherche académique à créer des partenariats structurés à travers la co-construction de « Laboratoires Communs » entre une PME ou une ETI et un laboratoire d’organisme de recherche.
4: Le « pilote » est un premier lot de produits qui permet de bien valider les caractéristiques que l’on souhaite retenir lors du développement en laboratoire de recherche.
5: Les per- et polyfluoroalkylées, plus connus sous le nom de PFAS, sont des substances chimiques utilisées dans de nombreux produits de la vie courante. Les PFAS ont la particularité d’être extrêmement persistants et peuvent exposer les populations à des risques sanitaires à travers l’air, les aliments et l’eau de consommation, ou plus généralement l’environnement dans lequel elles vivent.

Chiffres et données clés (2023)* :
  • Date de création : 2020
  • Chiffre d’affaires : 117,2 k€ 
  • Budget R&D :  393 k€
  • Budget propriété industrielle : 27,3 k€
  • Partenaires académiques : CNRS et IFPEN

* Déclaratif entreprise

Portefeuille de titres de propriété industrielle (2024)* :

Brevets : 2 (2 autres demandes déposées en 2024 sont en cours d’examen)
 

Marques : 3

* Déclaratif entreprise