Adhex : tirer le meilleur de la technologie de l’adhésif pour le bénéfice de ses clients, de la santé et de l’industrie
- Pouvez-vous évoquer la genèse de votre entreprise ?
Roland de la Brosse : Originellement, la société a été créée au sein du groupe pharmaceutique familial dijonnais Fournier, connu pour ses marques Humex ou Urgo.
L’idée audacieuse des dirigeants était que la technologie des rubans adhésifs, utilisée pour fabriquer des pansements, pouvait avoir des applications dans d’autres domaines industriels, comme les étiquettes ou les doubles-faces de fixation, ou pour les consommateurs, comme les rubans d’emballage.
L’équipe de recherche, encadrée par un grand chimiste, Alain Guillemet, a vraiment fait progresser la chimie des adhésifs, d’abord avec des dérivés des caoutchoucs naturels et synthétiques, puis avec les acryliques, mais toujours avec la préoccupation de l’application finale.
Nous avons conservé, dans le hall du laboratoire, en leur souvenir, un dynamomètre des années 1960 (en état de marche) ; mais, un grand chemin a été parcouru depuis !
Depuis 15 ans, nous avons été particulièrement moteurs pour le développement d’adhésifs acryliques sans solvants organiques. Ils représentent maintenant près de 70 % de nos volumes.
L’enjeu est évidemment environnemental et nous sommes très fiers des succès obtenus : cela a nécessité de revoir totalement nos procédés de fabrication !
- Qu’est-ce qui rend vos méthodes d’innovation performantes et inspirantes ?
R.B. : Nos méthodes d’innovation s’appuient sur les valeurs de la société.
L’inventivité technique, d’abord. Nos clients sont des industriels ultra exigeants qui nous confient des problèmes complexes. Nous avons développé de grandes connaissances en matière de supports ou de chimie, et nous suivons les avancées techniques dans des domaines adjacents au nôtre via des veilles brevets ou la lecture de publications scientifiques. Nous pouvons y puiser l’inspiration pour d’autres associations qui feront le ruban adhésif de demain.
Le sens du client ensuite – c’est-à-dire la transparence, l'attention portée aux besoins des clients et l'implication pour satisfaire et dépasser constamment leurs attentes avec des produits de haute qualité et un service irréprochable – est aussi fondamental. Cela suppose d’établir une confiance propice au dialogue technique.
L’esprit d’équipe, bien sûr, est aussi un pilier important. L’innovation, c’est le travail de toutes les fonctions de l’entreprise, commerciaux, ingénieurs, techniciens procédés, scientifiques et cela suppose de faire équipe avec les clients et les fournisseurs. Et au-delà du produit, l’innovation peut se déployer dans tous les domaines du fonctionnement de l’entreprise, comme la logistique ou l’informatique.
Enfin, l’opiniâtreté, car l’industrie n’est pas le domaine des coups d’éclat. C’est le domaine du temps long. Pour développer des adhésifs acryliques sans solvant nous avons dû changer tout notre parc de machines : un effort de très longue haleine, y compris financier et de formation.
- Parlons « propriété industrielle » : quelle stratégie menez-vous en la matière et quelles sont les raisons de son succès ?
R.B. : Nous sommes très actifs dans le dépôt de brevets (deux à six par an) dans tous nos domaines d’application.
D’abord c’est l’occasion pour l’équipe du laboratoire de synthétiser ses efforts de recherche, d’une manière explicite et claire.
Ensuite, c’est évidemment une protection, pour nous et pour nos clients. Nous sommes respectueux de la propriété intellectuelle des autres acteurs, mais nous faisons respecter les droits que nous donnent nos brevets.
Nos équipes sont formées à la propriété intellectuelle, ce qui facilite le lien avec les cabinets de propriété intellectuelle qui nous assistent pour la rédaction. Nous savons d’emblée de quels éléments ils auront besoin et nous mettons en particulier en avant, dès le début, l’effet technique et le caractère inattendu de l’invention ; il s’agit, bien évidemment de démontrer l’activité inventive, qui est souvent ce sur quoi portent les débats avec les examinateurs.
Une fois les brevets publiés et délivrés, nous menons une veille en nous focalisant sur notre environnement (concurrents et clients). Nous avons des discussions ou même des frictions avec les acteurs qui le composent, mais nous devons rarement recourir à l’arbitrage des tribunaux.
En nous appuyant sur les Société d’Aide au Transfert Technologique (SATT)1 des universités locales, nous bénéficions aussi de collaborations académiques qui permettent de fouiller un sujet à fond et souvent de déposer des brevets en copropriété.
Depuis peu, nous discutons aussi avec des sociétés basées en Asie pour leur octroyer des licences sur certains produits très particuliers que nous avons développés, mais que nous ne souhaitons pas commercialiser dans cette région, puisque nous n’y sommes pas présents industriellement. C’est une nouvelle étape dans notre politique de propriété industrielle.
Enfin, nous protégeons nos marques. Nous avons eu la chance de pouvoir déposer « Adhex » une marque très « parlante », en français et en anglais. Nous avions aussi, dès le début, pris soin de sécuriser plusieurs classes de la classification de Nice2 et les noms de domaines attenants avec une multitude d’extensions de pays. Depuis nous avons un contrat pour la surveillance des dépôts et nous devons régulièrement faire opposition à des marques à consonances trop proches.
- De quelle façon l’INPI vous aide-t-il au quotidien ? Quel(s) service(s) proposé(s) par l’Institut avez-vous utilisé(s) ?
R.B. : En premier lieu, nous avons un usage fréquent du site Data INPI, qui est très bien fait et très commode pour les recherches d’antériorité, tant sur le plan des brevets que sur celui des marques.
Nous déposons régulièrement des e-Soleau et, évidemment, nous déposons des demandes de brevet.
Nous sommes également accompagnés localement via la délégation régionale de l’INPI à Besançon. Nos interlocuteurs viennent nous voir sur site, ce qui nous permet de leur montrer nos évolutions techniques. C’est un très bon canal pour être informés des nouveautés en matière de propriété industrielle, comme récemment l’entrée en vigueur du Brevet Unitaire, dont il nous a fallu bien comprendre les avantages et les inconvénients.
- Dans une récente interview, vous évoquez le fait qu'ADHEX n'a "pas de catalogue" : vos produits sont adaptés à chacun de vos clients. Quel est l'impact de cette politique commerciale sur la R&D chez ADHEX ?
R.B. : C’est un positionnement commercial très exigeant pour l’équipe recherche et développement (R&D), car les commerciaux reviennent très régulièrement avec des idées nouvelles et chaque client veut « son » produit.
L’équipe du laboratoire se déplace souvent chez les clients, pour bien percevoir le besoin, faire un travail de formation à la science du collage, affiner la mise au point des produits et leur qualification en fonction de spécifications qui exigent un gros effort analytique. Je pense que cette interaction directe avec les clients est quelque chose que nos scientifiques apprécient, car elle permet d’évoluer dans des environnements industriels très différents, à l’opposé de l’image d’Épinal du « rat de laboratoire ».
- Qu’est-ce qui vous motive, vous et vos équipes, au quotidien ?
R.B. : Pour qui a un goût pour la technique, le monde de l’adhésif est passionnant, parce qu’il met en jeu des domaines très variés qu’il faut combiner : chimie, évidemment, mais aussi science des matériaux, mécanique des fluides, aéraulique3, génie des procédés, mécanique, robotique. C’est un terrain de jeu infini.
Même si nous sommes un petit acteur face à des géants comme 3M, Avery Dennison ou Tesa, c’est quand même très satisfaisant de voir que nous tirons notre épingle du jeu avec des produits en pointe au niveau mondial. L’adhésif est un produit utilisé partout et tous les acteurs du secteur ne peuvent pas être focalisé sur toutes les applications. Avec notre agilité, nous parvenons à être les plus performants sur des sujets précis. Ce sont de petites victoires, mais de grandes satisfactions.
Et nous progressons aussi concrètement dans la transition écologique, tant dans la conception des produits que dans l’efficacité de nos procédés. Nous nous appuyons sur la science et nous obtenons des résultats tangibles.
Mais, ma motivation en tant que chef d’entreprise, c’est surtout de rassembler une équipe et de mettre tout le monde dans les conditions d’exprimer ses talents.
- Trois mots pour donner envie au jury de vous désigner lauréat ?
R.B. : Curiosité, endurance, futur souhaitable !
1: Les SATT sont des acteurs économiques dont l’objectif est d’accroître l’efficacité du dispositif français de valorisation de la recherche publique, en accélérant notamment son transfert et son utilisation par l’industrie. Ce sont des structures à vocation locales qui agissent pour le compte de leurs actionnaires (universités, écoles, organismes de recherche).
2: Classification internationale de produits et de services aux fins de l’enregistrement des marques instituée par l’Arrangement de Nice (1957).
3: Étude de l'écoulement des gaz dans les conduits.
- Date de création : 1952
- Chiffre d’affaires : 115 M€
- Budget R&D : 7 M€
- Budget propriété industrielle : 489 k€
* Déclaratif entreprise
- Brevets : 70
- Marques : 5
- Dessin et modèle : 1
* Déclaratif entreprise