Trophées INPI : découvrez le président du jury 2024

Les Trophées de l’INPI sont de retour ! Cette année, c’est Bruno Bonnell, Secrétaire général pour l’investissement, chargé du plan France 2030, mais aussi entrepreneur et investisseur, qui présidera le jury.
Bruno Bonnell
  • En quelques mots, quel est votre parcours ?

 

Celui d’un passionné d’innovation. J’ai d’abord choisi de suivre une formation d’ingénieur-chimiste pour être en mesure d’inventer les produits de demain. 

Après un passage dans une entreprise spécialisée dans les lasers, j’ai décidé de bifurquer et de me lancer dans le secteur naissant du numérique. 

J’ai lancé Infogrames en 1983, un éditeur de jeux-vidéo, au moment où les consoles commençaient à peine à arriver dans les foyers français, Infonie en 1995, le premier fournisseur français d’accès à internet et me suis consacré à partir de 2007 à la robotique, qui n’est que l’extension dans le monde réel du numérique. 

C’est cette passion ininterrompue pour l’innovation qui m’a mené à accepter le poste de Secrétaire général pour l’investissement, en charge du déploiement de France 2030, qui vise à positionner le pays en pointe sur les secteurs stratégiques pour le 21ème siècle.

 

  • Pourquoi avoir accepté de présider le jury des Trophées de l’INPI 2024 ? Qu’est-ce que cela représente pour vous ?

 

J’ai le privilège de rencontrer presque quotidiennement des chefs d’entreprises et des innovateurs et je mesure à chaque fois leur engagement, leur vision et leur ténacité. 

Je constate qu’il faut toutes ces qualités pour ajouter la dimension de la propriété intellectuelle aux premiers stades de développement d’un projet ou d’une idée. 

Il m’apparait donc particulièrement important de mettre en avant des entrepreneurs qui ont su placer la propriété intellectuelle au cœur de leur stratégie et de leurs priorités, et de montrer à leurs homologues que cela est possible, bénéfique voire même indispensable ! 

J’avais donc à cœur d’envoyer ce message notamment à tous les lauréats France 2030, d’autant plus que le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) et l’INPI s’associent pour les aider à relever le défi de la propriété intellectuelle !

 

  • Vous êtes Secrétaire général pour l'investissement, chargé du plan d’investissement France 2030. Présentez-nous ce plan. Quel bilan dressez-vous après son lancement, il y a trois ans ?

 

France 2030 est un plan d’investissement public dans les secteurs stratégiques. Il vise à atteindre 10 objectifs précis, comme par exemple « produire 2 millions de véhicules électriques par an en France » à « Produire le premier avion bas-carbone ». Pour chaque objectif, nous agissons sur tout le cycle de l’innovation, de la recherche fondamentale à l’industrialisation. 

Tout le tissu français de l’innovation a répondu présent à cette initiative de l’Etat. Pour chaque lauréat, nous avons eu en moyenne 3 candidatures. C’est donc des innovations d’excellence qui sont aujourd’hui en train de voir le jour. 

Après 3 ans, nous commençons à voir des résultats concrets. Si je reprends mes deux exemples :
-    Sur les véhicules électriques, nous avons d’ores et déjà sécurisé la production de 1,7M de véhicules par an à l'horizon 2030.
-    Sur l’avion bas-carbone, Beyond Aero réalise le premier vol d’un avion à hydrogène dans le ciel français.

Nous sommes donc satisfaits de ces premières avancées mais devons rester exigeants. Dans certains secteurs, comme le nucléaire ou l’espace, nous misons sur plusieurs technologies en parallèle. Nous nous sommes engagés auprès des porteurs, sous condition d’atteinte de jalons techniques précis. Si les résultats ne sont pas à la hauteur, nous n’hésiterons pas à concentrer nos efforts sur les technologies les plus prometteuses.

 

  • Depuis septembre 2023, l’INPI et le Secrétariat général pour l’investissement (SGPI) sont liés par une convention de partenariat. Quels en sont les objectifs ?

 

J’ai souhaité en effet que le soutien de France 2030 aille au-delà du seul aspect financier, bien évidemment nécessaire mais non suffisant.

Aussi, dans le cadre de la construction d’un continuum d’accompagnement sur des axes stratégiques entourant l’innovation, nous avons conclu une convention avec l’INPI donc l’objectif est essentiellement d’accompagner les coordinateurs du plan France 2030 et ses bénéficiaires pour qu’ils intègrent, chacun à leur niveau, les enjeux de propriété industrielle dans leurs feuilles de route stratégiques et dans leurs priorités opérationnelles. 

La propriété intellectuelle constitue également un outil important d’intelligence économique et je souhaite qu’elle entre dans les éléments pris en compte pour l’orientation du plan ou des éventuels projets à venir. 

Enfin, le plan France 2030, compte tenu des montants engagés et de son importance pour l’économie française, fait l’objet d’un suivi et d’une évaluation rigoureux : les dynamiques de constitution de portefeuilles de titres sont un élément important de la mesure de l’impact socio-économique des investissements réalisés.

 

  • Quelles sont les innovations qui vous ont le plus marqué et que vous considérez comme ayant changé le monde ?

 

Je pense avant tout à l’atome. L’énergie atomique a, pour moi, changé la face du monde. Grâce à elle, l’Homme a pu accéder à une électricité peu coûteuse et stable. 

La France en a fait un domaine d’expertise et a développé un parc d’envergure, proche de celui des États-Unis alors que notre population est largement inférieure ! Il est important de retrouver ce savoir-faire et nous misons aujourd’hui dans les petits réacteurs modulables, qui ont un formidable potentiel, en France et dans le monde ! 

Il est clair que l’électricité sera l’énergie du XXIe siècle et au-delà, et la produire de façon fiable et vertueuse va devenir un enjeu essentiel.

 

  • À quel moment de votre carrière avez-vous été confronté à la propriété industrielle ? En quoi est-ce important de l’intégrer dans un projet entrepreneurial ?

 

Quand je dirigeais une société de jeux-vidéo, nous avons développé une technologie 3D que nous n’avons pas protégée et que nous avons présentée dans différents salons internationaux.

Quelle surprise de voir quelques mois plus tard fleurir des copies de ce jeu chez nos concurrents asiatiques et américains. Un brevet de cette technologie aurait certainement apporté autant à l’entreprise que l’ensemble des jeux de cette année-là.

Trop souvent, la propriété intellectuelle intervient tardivement dans la vie de l’entreprise, soit parce qu’elle est confrontée à des usurpations ou des contrefaçons, soit parce qu’elle veut développer un nouveau marché et se retrouve bloquée (à raison ou non) par des droits de tiers.

À ce moment-là, c’est déjà trop tard, ça coûte plus cher et ça ferme des possibilités. 

C’est dommageable. Il faut être lucides sans être fatalistes pour autant : la compétition internationale et la course technologique, notamment dans des secteurs de rupture, passent de plus en plus par une guerre des brevets ; pourtant, même si nous ne déposerons jamais autant de brevets que les acteurs chinois ou américains, nous avons tout de même des leviers pour agir intelligemment et efficacement.

 

  • Quelles sont les problématiques qui reviennent le plus souvent en termes de propriété industrielle dans le monde de l’entreprise ? Comment les résoudre ?

 

Je vois principalement trois écueils : une réflexion « propriété intellectuelle » qui intervient tardivement, qui n’accompagne pas la stratégie d’entreprise et qui demeure très cloisonnée. La propriété intellectuelle doit intégrer la boîte à outils de pilotage de l’entreprise : l’analyse des portefeuilles des concurrents permet d’orienter la feuille de route d’innovation et de commercialisation, mais aussi d’identifier des partenaires ou des opportunités ; elle doit refléter l’ambition de l’entreprise et ne pas s’arrêter au dépôt d’un seul titre. 

Aussi, la propriété intellectuelle doit sortir des services juridiques, c’est-à-dire être appréhendée au niveau de la direction et interagir avec les autres leviers comme la stratégie commerciale, le développement international, voire – quand c’est pertinent – avec une stratégie de normalisation volontaire qu’elle peut appuyer. 

Evidemment, tout cela a un coût. Nous avons la chance en France d’avoir de nombreux dispositifs de soutien à l’innovation qui englobent tous les dépenses de propriété industrielle (par exemple le CIR, mais aussi les aides France 2030) : il est nécessaire que les entreprises se saisissent de cette opportunité, mais cela suppose en effet de l’anticipation ! 

Au-delà, c’est une vraie culture de la propriété intellectuelle qui doit s’insuffler, en même temps que la culture entrepreneuriale, dans les formations universitaires, dans les grandes écoles, les réseaux d’entrepreneurs, etc… Sur ce dernier point, je crois beaucoup à la capacité des mentors et des role model pour entrainer l’écosystème, et les trophées INPI peuvent y participer. C’est aussi pour cela que j’ai souhaité attribuer cette année un prix « France 2030 ».

 

  • Quels conseils donneriez-vous à un entrepreneur qui débuterait aujourd’hui ?

 

Ne sous-estimez pas l’importance des brevets !

Ils vous permettront naturellement de protéger

vos innovations mais surtout, ils rassureront vos partenaires financiers qui vous donneront les moyens d’investir pour que vous gardiez toujours une longueur d’avance sur la concurrence ! 

On pense souvent aux conseils en stratégie ou en financement des entreprises mais on néglige les conseils en propriété intellectuelle.

Rapprochez-vous des chargés d’affaires de l’INPI qui pourront vous aider à dresser une feuille de route et à vous adresser aux personnes adéquates.