Waga Energy : transformer le gaz des sites de stockage des déchets en biométhane
- Pouvez-vous évoquer la genèse de votre entreprise ?
Mathieu Lefebvre : Mes associés, Nicolas Paget, Guénaël Prince et moi-même, avons commencé à travailler sur la valorisation du gaz des sites de stockage sous forme de biométhane il y a une quinzaine d’années, au sein du groupe Air Liquide.
Après avoir développé plusieurs projets de méthanisation des déchets agricoles, nous cherchions le moyen de produire du biométhane à un prix suffisamment compétitif pour pouvoir développer des projets indépendamment de tout mécanisme de soutien gouvernemental. C’est ainsi que nous avons identifié la problématique des émissions de méthane sur les sites de stockage des déchets.
Nous avons vite réalisé qu’en récupérant ce méthane et en le transformant en biométhane, nous aurions un double effet sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre : d’un côté, nous contribuons à réduire une source majeure de pollution atmosphérique et, de l’autre, nous produisons une énergie locale et renouvelable pour substituer les énergies fossiles dans l’industrie, le transport ou le chauffage, autant de secteurs qui sont fortement émetteurs de gaz à effet de serre.
Cela représentait cependant un véritable challenge sur le plan technologique, car ce méthane est mélangé à d’autres gaz – notamment à l’oxygène et à l’azote – ce qui rend son épuration très difficile.
En 2015, nous avons quitté Air Liquide pour créer la société Waga Energy afin de finaliser le développement de cette technologie, que nous avons baptisée WAGABOX®, et d’engager son développement en France et à l’international.
- Qu’est-ce qui rend vos méthodes d’innovation performantes et inspirantes ?
M.L. : Nous n’avons pas cherché à innover pour innover, mais pour résoudre un problème technique, dans le cadre d’une problématique qui nous tenait particulièrement à cœur puisqu’il s’agit de la préservation de notre environnement.
Notre mission consiste à préserver le bien commun. Nous avons l’audace de penser que chacun, à son niveau, peut faire quelque chose et avoir un impact. Dans la mesure où mes associés et moi-même sommes des ingénieurs, cela passe par l’innovation.
Quitter un grand groupe comme Air Liquide pour créer une jeune entreprise innovante – et donc une structure plus agile – est aussi une forme d’innovation, au même titre que de coupler des procédés connus ou de concevoir une solution de distillation cryogénique.
- Parlons « propriété industrielle » : quelle stratégie menez-vous en la matière et quelles sont les raisons de son succès ?
M.L. : Waga Energy est née d’une innovation technologique que nous déployons aujourd’hui activement en France et à l’étranger. Nous avons adopté un modèle de développeur-investisseur-exploitant : cela signifie que nous finançons nous-mêmes la construction des unités WAGABOX ; nous les exploitons et générons des profits en revendant la production de biométhane.
Nous sommes propriétaires de nos unités et il est donc essentiel pour nous de protéger au mieux la technologie, pour préserver la valeur de nos actifs aux yeux, notamment, des investisseurs qui nous font confiance.
- De quelle façon l’INPI vous aide-t-il au quotidien ? Quel(s) service(s) proposé(s) par l’Institut avez-vous utilisé(s) ?
M.L. : Nous avons été suivis dès le début de l’aventure par l’INPI, à travers les programmes de formation et d’accompagnement de start-up, non seulement au niveau des brevets, mais également pour la protection de nos marques « Waga Energy » et « WAGABOX® ».
Nous avons aussi pu réaliser des formations en interne pour sensibiliser nos collaborateurs à l’importance de la propriété intellectuelle, à la lecture, mais également à la compréhension et aux implications d’un brevet, ou encore à tous ces mécanismes qui permettent de se protéger dans le cadre de la liberté d’exploitation d’une innovation.
- Vous venez d’effectuer une levée de fonds aux États-Unis pour accélérer votre développement sur le marché américain. Concrètement, quelles actions vont-elles être menées grâce à ce financement ?
M.L. : Nous avons en effet levé plus de 200 millions d’euros depuis le début de l’année 2024, sous forme de financement en fonds propre1 et de dettes.
Cela sera utilisé pour financer la construction de nouvelles unités WAGABOX®, notamment aux États-Unis où nous avons démarré notre première unité en mars dernier, et où huit nouvelles unités sont actuellement en construction.
La construction d’une unité WAGABOX® représente un investissement pouvant aller de 3 à 30 millions d’euros, selon le volume de gaz à valoriser et la capacité de la machine que nous construisons.
Ensuite, une fois l’unité démarrée, elle génère des revenus récurrents pendant 10, 15 ou 20 ans, dans la mesure où nous vendons le biométhane dans le cadre de contrats longue durée, offrant une excellente visibilité sur la génération de cash.
Qu’est-ce qui vous motive, vous et vos équipes, au quotidien ?
M.L. : Notre principale motivation, c’est de lutter contre le réchauffement climatique qui menace l’avenir de nos enfants. Au cours du premier semestre 2024, par exemple, nous avons injecté 254 GWh de gaz renouvelable en France, en Espagne, au Canada et aux États-Unis. En réduisant le recours au gaz naturel fossile, cela a permis d’éviter l’émission de plus de 63 000 tonnes d’équivalent CO2 dans l’atmosphère. Pour donner un ordre de grandeur, c’est comme si nous avions produit l’équivalent de 25 millions de litres d’essence, et cela à partir d’un gaz qui jusqu’à présent, dans la plupart des cas, était brûlé en torchère.
Nous consacrons notre énergie à développer des projets qui ont du sens, qui contribuent à la préservation de la biosphère, et au bien-être d’une humanité dont l’avenir dépend totalement de l’énergie. Notre croissance s’est construite depuis deux siècles sur les énergies fossiles qui sont, par définition, des énergies finies.
Nous n’avons pas d’autre choix que d’avancer sur le chemin de la transition énergétique et cela passe par le développement du gaz renouvelable. Le gaz renouvelable est un pilier de la transition énergétique, au même titre que la sobriété et l’électricité renouvelable. C’est ce qui nous habite quotidiennement, c’est notre mission.
- Trois mots pour donner envie au jury de vous désigner lauréat ?
M.L. : Biométhane pour tous !
1: Une levée de fonds en fonds propres correspond à l’injection de fonds par des associés ou actionnaires dans l’optique de financer une entreprise.
- Date de création : 2015
- Chiffre d’affaires : 33,3 M€
* Déclaratif entreprise
- Brevets : 7
- Marques : 9
* Déclaratif entreprise