SNCF : la propriété intellectuelle, ça se cultive
Laurence Hervé a passé une grande partie de sa carrière professionnelle à la SNCF. En 2011, alors qu'elle travaille depuis quelques années au sein de la direction de l’Innovation et de la Recherche, elle constate que l’innovation que son entreprise encourage pourtant de plus en plus n’est pas assez bien protégée. Le groupe ferroviaire s'étant historiquement développé sur un monopole, il manque peut-être à son sens de culture dans ce domaine : « déposer un brevet n'était pas un réflexe naturel. Et c'est vrai que sans concurrent direct, il n'y avait pas d'intérêt majeur à le faire. Ça a commencé à changer avec le développement d'activités à l'international » résume Laurence Hervé. Sa conviction ? Il faut non seulement créer un service dédié aux brevets mais aussi lui attribuer la mission de contribuer à en faire connaître les enjeux, les intérêts et les pré-requis. « Vous pouvez toujours créer un service brevets mais sans pédagogie et connaissance partagée du sujet, il risque de ne pas se passer grand chose ! Si un salarié divulgue son invention par exemple, elle ne sera plus brevetable. C'est parfois aussi simple que ça ». Ainsi naquît le GUBI : Guichet unique brevets et innovation. Formée elle-même à la propriété intellectuelle à l'INPI, où elle obtient son CAPI (Certificat d'animateur en propriété intellectuelle), Laurence Hervé s’entoure de spécialistes des brevets recrutés dans l'industrie et dans un cabinet de propriété intellectuelle pour l'aider à développer cette nouvelle approche autour de l'innovation.
Communication et formation
« Dans une entreprise publique fondée sur un monopole et avec une forte culture de la transparence, la tâche n'était pas simple ! Il a fallu beaucoup de temps et un travail de terrain pour se faire adopter. Aujourd'hui, il nous reste du chemin, mais au moins notre légitimité est acquise » raconte la responsable du Gubi. Au-delà des processus d'accompagnement des inventions brevetables, son service édite ainsi différents documents, rédigés en fonction des publics de l'entreprise potentiellement concernés par la question des brevets : le plus généraliste est un « guide synthétique de la propriété intellectuelle » orienté autour de sujets et exemples concernant directement la SNCF. Des plaquettes plus spécifiques sur les inventions brevetables sont destinées aux ingénieurs, techniciens et autres experts techniques. Aux informaticiens, le Gubi parlera plutôt de logiciels. Deux autres cibles sont privilégiées : les managers qui ont affaire à du personnel innovant et la direction générale, puisque la stratégie de propriété intellectuelle du groupe est au service de la stratégie d'entreprise. Pour Laurence Hervé, il est important de montrer aux salariés que le Gubi est à leur disposition pour répondre à toutes les questions, y compris celles qui sont périphériques aux brevets. Mais sans toutefois tomber dans le piège d'une communication trop large : « Il serait dangereux de dire « venez tous avec vos idées ! » car non seulement nous ne sommes pas assez pour gérer les idées des 160 000 salariés… mais en plus, on risquerait de générer de la frustration car nous nous occupons des brevets. Or, toutes les idées ne constituent pas des inventions brevetables. C'est d'ailleurs une notion assez subtile qu'il n'est pas évident d'intégrer ». L'unité de Laurence Hervé s'occupe aussi d'animer les réseaux sociaux internes autour de ces sujets. Le second volet essentiel, à côté de la communication, est celui de la formation. Ainsi, le Gubi organise avec des formateurs agréés par l'INPI des sessions adaptées aux besoins internes et qui tournent autour de cas pratiques proches de la SNCF.
Jusqu'à la machine à café
Enfin, Laurence Hervé insiste sur la nécessité de relier la propriété intellectuelle à d'autres questions : « ce n'est pas un sujet en soi, il faut le rendre transversal. Pour diffuser une culture de la propriété intellectuelle, il faut faire feu de tout bois et toutes les occasions sont bonnes : une réunion de service autour des objectifs de l'année comme une conversation dans les couloirs ou à la machine à café ! Parfois, il s'agira simplement de rappeler à un collègue quelques règles en matière de confidentialité s'il nous parle d'un projet en collaboration avec des tiers ».