Cypheme : à l’assaut de la contrefaçon
À l’origine de Cypheme, on trouve une histoire d’amitié née d’un échange entre Supélec en région parisienne et l’Université de Tsinghua de Pékin, emmenée par une soif commune d’entreprendre. À l’issue de leurs études, trois Français et deux Chinois s’associent afin de développer une technologie fondée sur l’analyse des microstructures. Cypheme s’installe en 2014 dans la Silicon Valley et propose alors un service de protection de documents lorsqu’un événement remet en cause l’orientation de la start-up : « En 2014, la mère de notre associée chinoise a failli mourir à cause d’un médicament contrefait, raconte Charles Garcia, l’un des co-fondateurs de la start-up. Nous avons tous été très choqués et avons pris conscience de ce problème dont nous sous-estimions l’importance. Nous pensions naïvement que la contrefaçon se limitait à la circulation de faux sacs de marques de luxe... Nous avons compris qu’elle pouvait avoir des conséquences dramatiques dans la vie quotidienne ». Les données internationales répertoriées par l’IRACM (Institut international de recherche anti-contrefaçon de médicaments)* viennent confirmer l’expérience personnelle des jeunes start-upers : 6 à 15 % du marché mondial de médicaments serait de la contrefaçon ; un pourcentage qui monte à 30 % dans certaines zones de l’Amérique latine, de l’Asie du Sud-Est et de l’Afrique subsaharienne. La contrefaçon de médicaments contre le paludisme et la tuberculose serait à l’origine de 700 000 morts par an.
Vérifier l’authenticité d’un produit en quelques clics
Afin d’être en première ligne sur le front de la lutte anti-contrefaçon, Cypheme quitte en 2015 la Californie pour Shenzhen, la Silicon Valley chinoise : « La contrefaçon en Chine est un problème de santé publique majeur puisqu’il est question de vie ou de mort, poursuit Charles Garcia. Depuis le scandale du lait infantile frelaté en 2008, de nombreux habitants de Shenzhen n’hésitent pas à aller acheter le lait pour bébé à Hong-Kong afin d’être certains de l’origine des produits. De même, si vous consommez régulièrement de l’alcool en Chine dans les bars ou les clubs, il existe de fortes chances pour que vous finissiez à l’hôpital ». C’est ce qui décide la start-up à transposer sa technologie d’analyse des microstructures pensée initialement pour des documents aux produits disponibles dans le commerce, via l’implémentation d’une étiquette Cypheme. À chaque emballage correspond une microstructure unique comparable à une empreinte digitale. Lorsque le consommateur prend une photo du produit, celle-ci, via la connexion aux réseaux sociaux (Facebook Messenger et particulièrement Wechat, le WhatsApp chinois) qui sont souvent déjà ouverts sur les smartphones, est alors comparée aux références présentes dans la base de données de Cypheme. L’acheteur potentiel reçoit alors une confirmation immédiate de l’authenticité (ou non) du produit. « Nous avons pris le parti du consommateur, explique Charles Garcia. Notre technologie lui offre une garantie d’immédiateté que d’autres protections, comme les hologrammes, ne peuvent pas apporter. En Chine, il existe des usines spécialisées dans la fabrication de contrefaçons d’hologramme ! Or, rien ne permet au consommateur de les distinguer des autres. Seule une analyse par les laboratoires du producteur permet de vérifier l’authenticité d’un produit. » Quant à l’implémentation de la technologie, elle peut se faire de deux manières : soit le producteur accole sur ses produits des étiquettes fournies par Cypheme, soit la start-up procède à une intervention sur la chaîne de production au niveau de l’impression des emballages. Un surcoût à assumer par le fabricant mais qui lui garantit que le consommateur pourra vérifier l’authenticité de son produit de manière certaine.
Créer un pont en faveur du commerce franco-chinois
Médicaments, cosmétiques, laits en poudre, dépollueurs d’air, alcools : la base de données de Cypheme compte actuellement environ 10 000 références pour quelque 1500 utilisateurs réguliers du service. Des chiffres encore modestes, mais qui n’empêchent pas la start-up de percevoir de grandes perspectives de croissance. « Nous avons récemment remporté plusieurs prix chinois de l’innovation, un fait rare pour une start-up occidentale. Cela témoigne de l’intérêt des autorités pour le sujet. Cela manifeste également l’importance des importations françaises. La plupart de nos clients sont des sociétés hexagonales qui exportent des produits à haute valeur ajoutée en Chine. Or, contrairement aux idées reçues, les Chinois sont prêts à mettre le prix pour avoir une garantie de qualité. L’un de nos clients produit par exemple des dépollueurs d’air et le modèle qui se vend le mieux en Chine correspond au plus cher de l’ensemble de la gamme. » Forts de leurs compétences biculturelles et de leur connaissance approfondie des circuits d’importation, les cinq associés de Cypheme se réjouissent de pouvoir effectuer le pont entre la France et la Chine : « Les autorités françaises ont pris conscience de l’enjeu de la contrefaçon et de son impact sur le commerce franco-chinois. Nous considérons à tort la Chine comme un concurrent. C’est pourtant un pays fascinant, ouvert sur l’étranger, et Shenzhen une ville de science-fiction qui donne le sentiment qu’on se trouve là on le monde de demain se crée ! », commente le fondateur de Cypheme qui regarde déjà également en direction de l’Afrique, de l’Inde et du Moyen-Orient comme prochaines cibles de leur solution anti-contrefaçon.