Contrefaçon dans le cadre de l’impression 3D : diagnostic et remèdes
> Quelle est l'ampleur du phénomène de l'impression 3D et des risques de contrefaçon dans ce domaine ?
Caroline Le Goffic : Pour l’instant, ce n’est pas un phénomène de masse. Il n’y a pas encore de contentieux sur le sujet. La raison est avant tout technique : la technologie reste encore peu accessible aux non initiés en modélisation 3D. Mais cela risque de changer dans les années à venir. Et il vaut mieux anticiper car l’impression 3D est l’une des rares technologies à offrir la possibilité de contrefaire simultanément tous les droits de propriété intellectuelle : droit d’auteur, dessins et modèles, marques, brevets, etc.
> Et dans ce cas, qui serait responsable – ou complice – de la contrefaçon ?
C. L. G. : Les créateurs de fichiers CAO (création assistée par ordinateur) reproduisant des objets protégés sont contrefacteurs au sens du droit d’auteur, sauf si cette copie est destinée à un usage strictement privé. En revanche, ils ne sont pas contrefacteurs en droit de la propriété industrielle puisque celui-ci prévoit la fabrication d’un objet, ce que ne constitue pas la conception d’un fichier informatique en tant que telle. De même, les utilisateurs imprimant des objets protégés sont contrefacteurs en droit d’auteur, sauf s’ils bénéficient de l’exception de copie privée. En droit de la propriété industrielle, ils peuvent également revendiquer un régime d’exception si leur usage n’est pas commercial. Les plateformes et sites de téléchargement de fichiers CAO sont contrefacteurs s’ils sont considérés comme des éditeurs... mais pas s’ils se positionnent comme simples hébergeurs. Leur responsabilité est alors allégée. Ceux pour qui la question se pose de manière la plus cruciale sont les prestataires de services qui proposent d’imprimer en 3D des objets à partir de fichiers fournis par leurs clients. Nous entrons ici dans une zone grise du droit. Les acteurs du secteur savent qu’ils peuvent s’exposer à des actions en contrefaçon ; ils ajoutent alors à leurs conditions d’utilisation des clauses de garantie leur permettant de se retourner contre leurs clients le cas échéant.
> Quelles solutions préconisez-vous pour protéger les créations originales ?
C. L. G. : La première piste serait de mettre au point des dispositifs techniques pour protéger les fichiers 3D, à la manière de ce qui se fait pour les fichiers musicaux ou vidéo. Un « verrou » supplémentaire pourrait être posé du côté de l’imprimante 3D pour vérifier les droits des usagers à procéder à la copie. Mais l’efficacité de ces dispositifs n’est pas garantie, sans compter qu’il faudra veiller à ce qu’ils soient compatibles avec tous les types d’imprimantes. Il me semble préférable de tenter de responsabiliser les intermédiaires au sujet. Cela commence à être le cas. Un prestataire de service comme Sculpteo, par exemple, coopère avec les associations d’ayants droit et les sociétés de gestion collective telle que la Société des auteurs dans les arts graphiques et plastiques pour trouver des solutions qui conviennent à tous. Sinon, il faudra passer à la manière forte, avec par exemple l’utilisation d’injonctions par les tribunaux. La loi du 12 juin 2009 a créé une procédure spécifique à la contrefaçon sur Internet qui peut être utilisée par les ayants droit pour bloquer toute copie d’œuvre.
Société créée en 2009 par Éric Carreel (le fondateur de Withings) et Clément Moreau, elle propose un service en ligne d’impression 3D. C’est-à-dire qu’à partir d’un fichier 3D fourni par le particulier ou l’entreprise, Sculpteo réalise un objet concret. L’entreprise dispose aussi d’une plateforme communautaire sur laquelle les internautes peuvent trouver des designers 3D.