Interview de Louis Fleuret, responsable des services publics à French Tech Central : « l’INPI constitue l’un des partenaires les plus collaboratifs et les plus engagés dans le collectif des administrations »
Après plus d'un an et demi de recul maintenant, l’objectif des administrations (innover dans leur offre d’accompagnement auprès des start-up et moderniser l’Etat) est-il atteint à Station F?
Louis Fleuret : En réalité, le premier objectif de la présence des administrations à French Tech Central est de proposer un accompagnement de proximité aux start-up, en répondant à leurs besoins qui dépendent de la sphère publique. Plus de 30 partenaires publics et 5 000 entrepreneurs ont participé à la programmation proposée depuis deux ans. Et ce chiffre est en augmentation constante. Je considère donc que nous atteignons notre objectif dans la mesure où de plus en plus d’entrepreneurs font appel à nos services et ont le « réflexe » de penser à solliciter des expertises publiques. Il reste en revanche encore beaucoup à faire, car de nouveaux entrepreneurs arrivent, leurs besoins changent et de nouveaux services publics nous rejoignent en permanence.
S’agissant de la modernisation de l’Etat, j’identifie deux éléments structurants :
- la relation de proximité des start-up avec les administrations permet de changer le point des entrepreneurs sur ces dernières et prouvent que celles-ci ont réussi à « entrer dans l’écosystème ». C’est une première forme de réussite, grâce à l’engagement de tous les partenaires publics présents dans le projet ;
- le partage d’un espace de travail entre acteurs très différents (INPI, CNIL, Inria, UGAP, Urssaf, Ministère des Armées…) laisse place à de nombreux rapprochements, des interventions communes et une meilleure connaissance de la complémentarité des expertises publiques. Ce travail collectif améliore la compréhension de la diversité des accompagnements à disposition des entrepreneurs et permet de renforcer la lisibilité des offres.
Quels sont les axes d’amélioration à apporter selon vous ? Avez-vous des exemples de procédures qui ont été simplifiées pour s’adapter aux start-up ? Ou de nouvelles offres initiées afin de répondre à leurs attentes ?
L. F. : A ce stade, nous identifions deux axes d’amélioration :
- La mise en place d’un parcours plus clair pour les entrepreneurs étrangers, en particulier non francophones, très nombreux à Station F. Il faut en effet leur proposer une information encore plus intelligible dans la mesure où « ils partent de plus loin » ;
- L’amélioration de l’offre de services proposée par les administrations en utilisant les retours des entrepreneurs.
Cela peut passer par deux éléments :
- tester de nouvelles formes d’accompagnement ;
- proposer des évolutions structurelles, d’organisation ou de réglementation.
En ce qui concerne les nouvelles formes d’accompagnement, l’INPI et l’Urssaf ont organisé à plusieurs reprises des ateliers de retours d’expérience avec des entrepreneurs afin de créer le programme start-up : la nouvelle offre INPI qui s’adresse aux start-up et aux porteurs de projet.
De surcroît, le chatbot Noa « Nous Orienter dans l'Administration » piloté par la préfecture de région Ile-de-France, est un bon exemple de service public accessible en ligne pour guider les start-up dans leurs démarches. L’innovation tient selon moi moins à la technologie, qu’à l’association de nombreux services publics, et à une méthode d’amélioration continue avec des ateliers réguliers organisés avec des entrepreneurs
Au départ, chaque semaine, des rendez-vous individuels et des masterclasses (formats conférences) étaient à disposition des entrepreneurs.
Au cours de la deuxième année, le format initial (prises de rendez-vous par administration) a évolué vers une logique centrée sur le besoin des start-up (financement, recrutement, IA, achat public, etc). Des workshops plus interactifs ont été proposés aux entrepreneurs par petits groupe de 30 à 40 personnes afin de leur permettre de devenir acteur de l’événement.
Cela permet d’avoir des interventions communes de plusieurs partenaires publics répondant à un même besoin : Bpifrance et la CCI Paris font par exemple des workshops sur le financement en commun, ce qui est très apprécié par les entrepreneurs.
Les conférences ont évolué vers des masterclasses thématiques associant un intervenant public et un acteur de l’écosystème French Tech.
Le mélange des acteurs publics/privés aux expertises complémentaires laisse place à des événements aux contenus plus riches grâce aux retours des entrepreneurs. Ce fut le cas lors de la masterclass sur l’intelligence artificielle avec l’INPI, l’Inria et Meetic.
Un questionnaire de satisfaction a été envoyé à tous les entrepreneurs après leurs échanges avec les administrations. Il en ressort deux éléments :
- une préférence pour des formats très opérationnels pour les entrepreneurs avec des informations directement utilisables. C’est la raison pour laquelle les rendez-vous individuels et les workshops sont très bien notés par les entrepreneurs (de 4,5 à 4,7/5) ;
- un fort intérêt pour les événements associant un intervenant public et un intervenant de l’écosystème French Tech.
Comment l’INPI se positionne-t-il dans l’accompagnement auprès des start-up selon vous ?
L. F. : L’INPI fait d’abord partie des services publics les plus sollicités par les entrepreneurs, parmi nos 30 partenaires publics et je tiens à vous féliciter pour cette belle réussite. Les rendez-vous individuels et les événements proposés par l’INPI sont fortement « fréquentés » par les entrepreneurs. C’est donc d’abord une réussite quantitative.
Par ailleurs, je dois dire que l’INPI est un acteur formidable pour les entrepreneurs et pour French Tech Central :
- pour les entrepreneurs, les équipes de l’INPI présentent à Station F sont particulièrement appréciées pour leur niveau d’expertise et leur disponibilité. Il est fréquent qu’elles soient contactées régulièrement par les start-up aux différents stades d’évolution de leurs projets.
Elles sont également de plus en plus nombreuses à identifier la diversité des outils et protection proposés par l’INPI, au-delà des thématiques autour de la protection des marques et des logos; notamment celles relatives à leur développement international, la protection de l’IA (BDD, algorithmes, etc).
- pour French Tech Central, l’INPI constitue l’un des partenaires publics les plus collaboratifs et les plus engagés dans le « collectif » des administrations. Cette culture permet de mettre en place une programmation associant l’INPI à de nombreux autres services publics : rendez-vous individuels avec l’AFNOR, workshops sur le développement international avec Business France, masterclass sur la recherche publique avec Inria et Meetic. Cela résulte de la forte expertise de l’INPI, mais aussi de la volonté de ses équipes de tester de nouvelles collaborations. C’est un grand plaisir au quotidien et un vrai point fort de l’INPI.
En tant que responsable des services publics, quels sont vos objectifs et vos ambitions pour la suite ?
L. F. : Après le bilan de cette deuxième année à French Tech Central, j’ai deux objectifs pour l’année à venir :
- déployer le dispositif French Tech Central dans les 13 Capitales French Tech, les principaux écosystèmes en région car il existe de très nombreuses start-up très performantes partout sur le territoire, et dont l’accès à des expertises publiques de proximité constitue un levier important.
- renforcer la cohérence entre la programmation French Tech Central et les initiatives nationales mises en place par les ministères et partenaires publics. L’Etat a par exemple lancé un plan deep tech particulièrement ambitieux et nous devons participer au déploiement de cette thématique à French Tech Central. Le sujet est en cours de discussion avec Bpifrance, Inria… et bien entendu avec l’INPI, car l’enjeu de la propriété intellectuelle est particulièrement important pour les start-up deep tech.