Leka, le robot compagnon des enfants autistes
C'est l'histoire d'un petit robot tout rond démarré comme simple projet scolaire qui est en train de conquérir les enfants du monde entier grâce à l'inventivité et à la persévérance de deux jeunes ingénieurs en biotechnologie. En 2011, Ladislas de Toldi et Marine Couteau suivent un cours de design. Le professeur demande aux élèves de concevoir un objet technologique. Les deux étudiants ont une cause qui leur tient à cœur : celle des enfants atteints de troubles autistiques et trisomiques. Ni une ni deux, ils commencent à concevoir un robot qui pourrait aider ces « enfants exceptionnels », comme prend soin de les définir systématiquement Ladislas de Toldi . « Nous avons travaillé sur un objet sphérique, car c'est une forme sécurisante », raconte-t-il. À l'intérieur de cette sphère, des technologies permettent au robot de communiquer avec son environnement. Vibrations, musiques, couleurs, tout est conçu pour capter l'attention du petit patient, le stimuler sensoriellement, développer ses capacités de motricité et l'encourager à interagir, toujours de manière ludique. Par exemple, il peut aller se cacher tout seul et attendre que l'enfant le trouve. « Le jeu est le cheval de Troie de l'éducation, aime à souligner le jeune créateur. En jouant à cache-cache, l'enfant utilise des compétences de collaboration, de temporalité, apprend à suivre des règles. » Lorsqu'on est « gentil » ou « méchant » avec le robot, celui-ci manifeste contentement ou tristesse, ce qui permet de travailler sur les émotions et l'empathie.
Les parents, eux, disposent d'une plateforme de suivi pour monitorer les progrès de leur progéniture. Mine de rien, le petit robot est truffé de technologies : recharge par induction, RFID (récupération et mémorisation de données), Bluetooth, capteurs capacitifs (reconnaissance d'obstacles), IMU (déplacement)... Et pourtant, que ce soit sur la fabrication en tant que telle de l'objet ou la programmation des applications, les deux ingénieurs en herbe ont tout appris sur le tas ! « On ne connaissait rien à l'électronique, à la robotique, à l'impression 3D ou à la découpe de bois », souligne Ladislas de Toldi. Mais les obstacles techniques n'ont pas pesé lourd face à la motivation du duo. Notamment parce que les premiers prototypes du robot, pourtant assez basiques, reçoivent un accueil très positif des enfants et de leurs parents.
De l'idée à la start-up
D'un simple devoir scolaire, le projet est en effet devenu la raison d'être de Leka — combinaison de « jouer » et « se soigner » en suédois — l'entreprise que fondent en 2014 Marine Couteau et Ladislas de Toldi. « Notre mission est d'aider les enfants exceptionnels à sortir de leur bulle », définissent-ils. Les deux associés se répartissent les tâches : la première s'informe sur la prise en charge de l'autisme et de la trisomie, le second gère la partie technologique. Ils sont progressivement rejoints par de nouveaux collaborateurs. L'équipe compte désormais six personnes. La jeune pépite, couvée par l'incubateur parisien Agoranov, a été sélectionnée dans un programme de grande ampleur : Techstars. Il s'agit d'un programme d'accélération de start-up d'une durée de trois mois qui a lieu en plein cœur du Midwest américain. L'occasion pour Leka de passer à la vitesse supérieure et de mesurer l'accueil positif du public face au petit robot du même nom. « Les États-Unis sont en avance par rapport à la France dans la prise en charge de l'autisme, le marché est beaucoup plus mûr », analyse Ladislas de Toldi. Au passage, le jeune dirigeant observe aussi les différences culturelles dans la manière de monter une entreprise. « Aux États-Unis, ça va beaucoup plus vite, et il n'y a pas cette peur de l'échec qui existe chez nous », constate-t-il. La jeune société, de retour en France, garde des liens forts outre-Atlantique sur les parties développement commercial, recherche et investissement.
Modèle économique : hardware as a service
L'équipe de Leka s'attaque en 2016 à l'industrialisation du robot. Un partenaire a été trouvé en Saône-et-Loire pour fabriquer en série toute la partie électronique. Parallèlement, les jeunes dirigeants travaillent avec un cabinet spécialisé pour définir leur stratégie en matière de propriété industrielle. « Nous nous acheminons vers des dépôts de brevets pour protéger nos innovations technologiques, même si la méthode de prise en charge des troubles n'est pas elle-même brevetable » explique Ladislas de Toldi. Le projet a bénéficié d'un prêt d'honneur et les jeunes dirigeants ont réussi une première levée de fonds de 600 000 euros. Il faut dire que le robot Leka séduit tous ceux qui l'approchent. L'entreprise est lauréate du CIN, le concours d'innovation numérique organisé par le Commissariat général à l'investissement et Bpifrance, et finaliste des Grands prix de l'Innovation de la ville de Paris.
Le robot devrait être disponible à partir de mai 2017. L'entreprise, elle, se bâtit sur le modèle du Haas, « hardware as a service » : « Les gens achètent le produit à un coût faible et souscrivent à un abonnement pour avoir accès aux applications et mises à jour, à la plateforme de suivi et aux formations », explique Ladislas de Toldi. Pour la communauté de 5 000 parents et proches qui suivent sur les réseaux sociaux l'avancée de la gestation du projet depuis les origines, des précommandes sont d'ores et déjà possibles. Un joli petit robot pour une grande et belle mission.