Indication géographique, pourquoi pas vous ?
- Pouvez-vous nous rappeler l’historique de l’indication géographique linge basque ?
Benjamin Moutet : Depuis 1952, les artisans du linge basque sont rassemblés au sein du syndicat des tisseurs du linge basque d’origine. Au moment de la fondation du syndicat, nos ancêtres avaient déjà le souhait de protéger l’appellation « linge basque ». Cette demande a été formulée auprès des parlementaires, et les problématiques sont restées les mêmes pendant longtemps, très exactement jusqu’en 2012, date à laquelle le gouvernement a décidé d’étendre l’appellation « indication géographique » – qui marchait très bien dans l’agriculture – aux produits manufacturés. Dans ce cadre, il a sollicité l’avis de plusieurs filières territoriales comme le couteau de Laguiole, la porcelaine de Limoges et le linge basque donc. Quand nous avons reçu le courrier du gouvernement nous informant du projet, c’est tout naturellement que nous avons fait part de notre intérêt pour la démarche. Nous avons été invités à réfléchir à la définition du linge basque, à ses spécificités, et surtout à ses procédés industriels. Deux grandes étapes sont nécessaires pour fabriquer le tissu : le tissage (ou tricotage en fonction) et la confection. Ce qui nous est apparu le plus important à protéger, c’est le tissage. Après un long travail mené tous ensemble sur la rédaction du cahier des charges, une enquête publique et une instruction de l’INPI, l’homologation de l’indication géographique linge basque s’est faite en novembre 2020. Aujourd’hui, nous sommes trois opérateurs à bénéficier de cette IG sur le territoire des Pyrénées-Atlantiques : les tissages Moutet, les tissages Lartigue et une nouvelle société filiale des tissages Lartigue qui s’appelle Lartigue 1910.
- Que vous a apporté cette homologation ?
B. M : Cela fait moins d’un an que l’indication géographique a été homologuée, il est encore un peu tôt pour faire un retour complet, mais nous constatons déjà que la médiatisation autour de l’homologation a permis d’expliquer notre processus de fabrication et d’éveiller l’intérêt des gens. Ils sont curieux d’apprendre la différence entre le tissage et la confection par exemple. Grâce à l’indication géographique, les gens peuvent acheter en connaissance de cause et faire leurs achats de bonne foi. Par la suite, c’est aux consommateurs de placer leur curseur d’exigence du « fabriqué en France » où ils veulent. L’indication géographique est un label public, gage de confiance, et c’est ce qui est intéressant dans la démarche. Les consommateurs sont rassurés par le fait que la certification émane de l’État.
- Quel(s) conseil(s) donneriez-vous à une association qui souhaiterait se lancer dans une démarche d’IG ?
B. M : Mon principal conseil est de faire ce travail au regard de l’héritage que l’on reçoit. Il ne faut pas faire de raccourcis en sautant ou en enlevant des étapes de fabrication d’un produit qu’on considèrerait obsolètes, il s’agit de plusieurs années de construction derrière nous qu’il faut respecter. De même, en achetant ailleurs une partie d’un produit par exemple, on prend le risque de désindustrialiser une partie du métier et de supprimer du travail pour les jeunes générations. Si une étape de fabrication paraît fastidieuse ou pas intéressante, peut-être qu’un autre regard saura en faire une étape d’innovation et de différenciation. Je pense qu’il est important de regarder ce qui a été fait dans le passé, de le décortiquer et de le respecter. Ensuite, dans la phase de rédaction du cahier des charges, il faut respecter des règles strictes, c’est pourquoi nous avons eu la chance d’être accompagnés par les services de l’INPI et par l’Association française pour les indications géographiques industrielles et artisanales (AFGIA). Nous avons également été aidés par la Région, qui a été un moteur et nous a accompagnés tout au long du processus
Préparer un dépôt de dossier pour une indication géographique : trois conseils d’Antoine Ginestet, responsable des indications géographiques à l’INPI
Juriste de formation, Antoine Ginestet est en charge de l’examen des indications géographiques à l’INPI depuis la création du dispositif. Son rôle est d’examiner la conformité des dossiers et d’accompagner les entreprises durant toute la procédure. A ce jour, 18 demandes officielles [AJ1] lui ont été soumises. Il partage ci-dessous 3 facteurs clés de succès.
1. Impliquer tous les acteurs concernés
La capacité à fédérer tous les acteurs de la filière est le premier facteur clé de réussite. L’organisme qui procède à la demande d’indication géographique doit être représentatif de la filière, il est donc important de contacter un maximum d’acteurs et de les inviter à s’impliquer dans la démarche. Cela nécessite d’instaurer un dialogue constructif et durable afin de se réunir autour d’un projet commun. Autres acteurs importants, les collectivités locales peuvent également apporter une aide précieuse : soutien politique, aide financière, mise à disposition d’un local ou d’une adresse postale pour votre association par exemple.
2. Rédiger le cahier des charges en toute transparence
Etape clé du dépôt de l’indication géographique, la rédaction du cahier des charges peut paraître complexe. Sincérité et transparence sont de mise afin d’être le plus clair et exhaustif possible dans la description des procédés et des lieux de fabrication. Le cahier des charges est structurant : c’est le document de référence que devront respecter les artisans pour la procédure leur attribuant individuellement l’indication géographique. Il peut être utile de consulter les cahiers des charges d’indications géographiques déjà homologuées disponibles ici.
3. Echanger avec l’INPI tout au long du processus
Si vous avez pour projet de vous lancer dans la démarche, rapprochez-vous de la délégation régionale de l’INPI. L’Institut pourra répondre à vos questionnements à toutes les étapes du processus, sur le cahier des charges et sa structure ou encore pour s’assurer du lien entre un produit et son territoire.
Une indication géographique distingue un produit originaire d’une zone géographique déterminée, qui possède des qualités, une notoriété ou des caractéristiques liées à ce lieu d’origine. Elle protège le nom dudit produit des contrefaçons et autres copies. Ses caractéristiques sont spécifiées dans un cahier des charges examiné par l’INPI. L’homologation est délivrée à l’issue d’une instruction et d’une enquête publique conduites par l’INPI.
Douze indications géographiques ont été homologuées par l'INPI depuis l'entrée en vigueur du dispositif (juin 2015, par la loi dite « consommation ») : le siège de Liffol (décembre 2016), le granit de Bretagne (janvier 2017), la porcelaine de Limoges (décembre 2017), la pierre de Bourgogne (juin 2018), le grenat de Perpignan (novembre 2018), le tapis d’Aubusson et la tapisserie d’Aubusson (décembre 2018), la charentaise de Charente-Périgord (mars 2019), les pierres marbrières de Rhône-Alpes (novembre 2019), l’absolue Pays de Grasse (novembre 2020), la pierre d’Arudy (novembre 2020) et le linge basque (novembre 2020)