Poietis concrétise ses projets
- En 2017, vous disiez avoir pour ambition que votre technologie soit utilisable dans le domaine clinique, notamment dans les greffes de peau et espériez pouvoir organiser les premiers essais cliniques sur l’homme dans cinq ans. Or trois ans plus tard, vous avez déjà identifié le partenaire hospitalier avec lequel vous allez lancer le premier essai clinique de peau implantable chez l’homme. Pouvez-vous nous en dire plus ?
Bertrand Viellerobe : Ces deux dernières années, nous avons développé une nouvelle génération de bio-imprimante 4D guidée par laser, qui combine de la robotique et de l’automatisation pour imprimer des tissus humains pour le domaine de la recherche. En parallèle, nous avons lancé notre projet de développement clinique, avec la conception d’une version spécifique de cette machine adaptée aux contraintes médicales. Dans ce contexte, nous avons franchi une nouvelle étape en signant un partenariat avec l’Assistance Publique – Hôpitaux de Marseille (AP-HM). C’est dans le cadre de cette collaboration, qui a débuté en 2019, que nous allons installer cette machine de grade médical à l’hôpital et préparer le premier essai clinique d’une peau bio-imprimée, organe sur lequel Poietis a accumulé une grande expertise ces dernières années. Lorsque nous aurons obtenu l’accord des agences réglementaires et de l’hôpital, nous lancerons l’essai clinique, à la suite de quoi nous espérons pouvoir greffer les premiers patients dans les 18-24 prochains mois. Ce serait une première mondiale ! Aucune peau n’a jamais été bio-imprimée chez un patient dans le monde, comme aucun autre organe d’ailleurs.
Pour l’instant nous tenons les délais que nous nous étions fixés et si tout se déroule comme prévu, alors oui, nous aurons tenu notre pari et atteint notre objectif en cinq ans. Mais l’essentiel, c’est que notre technologie soit efficace d’un point de vue médical et permette de soigner des patients, peu importe la temporalité.
- Vous avez noué des partenariats (BASF, L’Oréal, Servier, etc.). Que vous ont-ils apporté ?
B.V : En tant que jeune start-up, nous devons faire nos preuves, d’autant que notre technologie est complexe et unique. Nous devons prouver que ce que nous apportons a du sens et va apporter un bénéfice, de la valeur. Les partenariats nous aident dans cette démarche.
Tout d’abord, ils nous apportent une certaine reconnaissance et sont une preuve que ce que nous produisons a du sens. Si ces industries reconnues sont venues nous chercher, c’est parce que nous avions une proposition de valeur différanciante et que nous pouvions leur apporter quelque chose de plus. Lorsque L’Oréal s’est tournée vers nous pour faire de la bio-impression de cheveux, ils avaient confiance dans notre savoir-faire et notre technologie unique. Les partenariats valident notre stratégie, notre positionnement, nos choix. Ils nous donnent plus de crédibilité auprès des partenaires institutionnels et des investisseurs par exemple, mais aussi plus de visibilité vers l’extérieur. Nos partenariats nous ouvrent des portes et nous permettent d’en signer d’autres. Enfin, ils sont une source de rentrée de fonds pour l’entreprise.
- En 2018, vous avez levé 5 millions d’euros de fonds. Des moyens financiers qui doivent vous permettre de poursuivre votre développement et vos objectifs. Pouvez-vous nous parler de vos projets en cours et à venir ?
B.V : La levée de fonds de 2018 nous a principalement permis d’en arriver où nous sommes aujourd’hui, à savoir la préparation de notre nouvelle génération de machines et la préparation du futur essai clinique. En effet, le développement d’une solution clinique et son installation sur site nécessitent de la logistique, de la préparation, des contraintes à respecter et donc d’importants moyens.
L’essai clinique va par ailleurs s’installer dans la durée. La première phase, qui consiste à implanter la première peau bio-imprimée chez une dizaine de patients, va durer un an et demi. D’autres phases sont prévues ensuite ; le projet va durer plusieurs années et sera donc coûteux. C’est pourquoi nous faisons actuellement une nouvelle levée de fonds, qui doit nous permettre d’être accompagnés sur ces prochaines années cruciales.
En parallèle de l’essai clinique, nous avons un deuxième projet : la vente de notre nouvelle génération de machines pour le domaine de la recherche. L’idée est de créer une communauté d’utilisateurs, au-delà de l’aspect business que va générer cette activité de vente de machines. A nous seuls, nous ne pouvons pas travailler sur tous les organes du corps humain. C’est pourquoi nous espérons qu’avec ce réseau d’utilisateurs, dont les membres travailleront chacun sur leurs propres projets, de nouvelles stratégies d’impression de tissus seront développées à partir de notre technologie et que de nouveaux tissus ayant un intérêt clinique pourront en découler à long terme.
- En 2017, vous avez été lauréat des Trophées INPI de la catégorie brevet. Avez-vous enrichi votre portefeuille de titres en propriété industrielle depuis ?
B.V : Nous avons déposé trois brevets supplémentaires depuis les Trophées INPI, deux en 2018 et un en 2019.
Au total, notre portefeuille de titres est composé de quatre licences exclusives de l’Université de Bordeaux et de l’INSERM dont nous détenons l’exploitation tous domaines au niveau mondial, et de sept brevets en propre Poietis. L’ensemble de ces 11 titres représente 54 dépôts car tous les brevets ont été étendus à plusieurs pays.
Deux autres brevets sont par ailleurs en cours de rédaction ; nous espérons déposer les demandes cette année. Nous avons une activité R&D très riche et des pistes sur plus d’une douzaine de nouveaux brevets ont été déjà identifiées. Nous avons de quoi faire…