Ludivine Romary : « Nous pouvons accomplir ce que nous souhaitons, sans peur »
Pouvez-vous raconter la genèse de votre entreprise ?
Depuis janvier 2022, MyEli commercialise des bijoux élégants et connectés pour protéger les femmes en cas de danger. En un clic, nos bracelets et colliers transmettent aux cinq contacts de secours choisis par l’utilisatrice, un sms préenregistré, accompagné d’une position GPS. Dans un second temps, ils génèrent un appel automatique vers les mêmes destinataires. En double-cliquant sur le bijou connecté, l’utilisatrice peut également rassurer ses proches en les informant qu’elle est bien arrivée à destination. À date, nous avons vendu 2 800 bijoux, principalement en France et au Benelux. Notre deuxième levée de fonds est en cours.
Qu’est-ce qui vous a donné envie d’entreprendre ?
Plusieurs facteurs m’ont donné envie de me lancer dans l’aventure : mon master 2 en école de commerce, dont la validation reposait sur un projet de start-up innovante ; le mouvement #Metoo qui m’a donné envie de prendre part au combat féministe ; et un épisode personnel suffisamment traumatisant pour engendrer un sentiment d’insécurité dès lors que je me trouvais seule dans la rue. Les actes de violences conjugales, qui ont monté en flèche pendant les confinements, m’ont ouvert les yeux sur un réel besoin.
Quels freins, en tant que femme ou pour une autre raison, avez-vous rencontrés ?
La première difficulté a été de trouver le partenaire qui maîtrisait l’aspect ingénierie du projet. En effet, un bijou connecté représente une vingtaine de composants miniaturisés sur une carte électronique, elle-même insérée dans un métal précieux. La deuxième difficulté, c’est en effet d’être une femme dans la technologie. Je pense m’être davantage justifiée qu’un homme. J’avais souvent face à moi un questionnaire, j’étais très souvent testée.
La troisième difficulté est liée aux finances, le nerf de la guerre pour une start-up. Nous avions besoin d’environ 400 000 euros pour nous lancer. Pour les obtenir, j’ai passé énormément de temps à « dérouler le tapis rouge » auprès de partenaires institutionnels, bancaires et actionnaires.
Que représente pour vous la propriété intellectuelle ?
Tracer la date de création d’une innovation, prouver que MyEli est bien propriétaire de sa technologie et de son design : ces éléments relèvent de la propriété intellectuelle (PI), essentielle pour protéger son produit dans toutes ses composantes (technique, marketing, design). Et ce notamment dans le domaine, particulièrement complexe, de l’Internet des objets. Face à la concurrence accrue, l’INPI, m’a orienté vers un cabinet de CPI. Cet accompagnement me permet d’adopter une stratégie PI claire et efficace en France, comme à l’étranger.
Au sein de votre entreprise, quels leviers actionnez-vous pour réduire les inégalités entre les femmes et les hommes ?
La communication de MyEli véhicule des messages forts autour de « l’intrépidité » et de l'idée selon laquelle « la femme est capable d’accomplir ce qu’elle souhaite, sans peur ». Nous sommes également partenaires des Défid’Elles, imaginés par Christelle Gauzet, gagnante de Koh Lanta 2008. Ces raids de 40 km, réunissent sur deux jours et trois épreuves, une soixantaine de participantes, tous niveaux confondus. Cela prouve que même sans entraînement, on peut se dépasser, on peut y arriver. Avec MyEli, le même message d’encouragement transparaît : même sans expérience, on peut monter une entreprise dans la tech.
Vous avez été lauréate Be A Boss 2021. Que pensez-vous de ce type d’initiatives pour valoriser l’entrepreneuriat féminin ?
Je pense qu’il y a un équilibre à trouver entre ces événements dédiés aux femmes, de plus en plus nombreux, et qui constituent une solution pour se mettre en avant, et ceux qui récompensent avant tout le projet, quel que soit le genre de la personne qui le porte. Je pense notamment au CES Las Vegas 2022, au cours duquel MyEli a remporté un prix de l’innovation face à 15 autres start-up de la région Nouvelle-Aquitaine. Cette reconnaissance, dans les deux cas, nous rend extrêmement fiers.
Quelle femme, célèbre ou non, vous a particulièrement inspirée ?
Sans hésiter Justine Hutteau, fondatrice de Respire, une marque de cosmétiques solides. Nous sommes de la même génération d’entrepreneures et avons lancé notre projet en BtoC, à destination des femmes, au même âge. J’admire beaucoup sa stratégie marketing. Par ailleurs, les bijoux MyEli portent les prénoms des grandes dames de notre monde : Simone (de Beauvoir et Veil), Rosa (Parks), Olympe (de Gouges), etc.
- Année de création : 2021
- Effectifs : 6
- Chiffre d’affaires : 200K€
- Marques : 2
- Enveloppes Soleau : 2
- Dessins & modèles : 3