Indications géographiques, territoires d’avenir !
Au cœur du dynamisme de nos territoires, en France comme en Europe, l'indication géographique est une garantie d'authenticité pour les consommateurs, et un moyen de valoriser leurs produits et leurs savoir-faire pour les entreprises.
Quelles sont les évolutions récentes de la protection des IG dans les décisions judiciaires et administratives ? Comment cohabitent-elles avec les marques ?
Quels sont les enjeux et défis de la protection des indications géographiques dans le paysage des signes distinctifs ?
Quelles réformes légales sont-elles en cours au plan européen ?
Ce sont ces questions qui ont été débattues à l’occasion de la conférence organisée par l’INPI en partenariat avec l’Office de l'Union européenne pour la propriété intellectuelle (EUIPO), le 12 mars dernier dans ses locaux de Courbevoie.
Après un discours d’ouverture au cours duquel Pascal FAURE, Directeur général de l’INPI, a notamment rappelé l’importance économique et plus largement patrimoniale des IG (« à l’heure actuelle, le registre des IG de l’Union européenne compte près de 3 500 Indications géographiques dont le chiffre d’affaires représente près de 80 milliards d’euros »), ces sujets ont été développés et discutés autour de tables rondes animées par des experts de l'EUIPO, de l'INPI, de praticiens de la propriété industrielle, d’organismes en charge de missions de défense et de gestion d’indications géographiques ainsi que de représentants du ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire et de l’Institut national de l’Origine et de la Qualité (INAO).
« Dans chaque terroir, les femmes et les hommes ont su exploiter, avec ingéniosité, les ressources naturelles disponibles localement pour produire des denrées alimentaires et des objets nécessaires à leur quotidien. Au fil du temps, les savoir-faire se sont développés pour bénéficier aujourd’hui d’une qualité et d’une réputation directement liées à leur origine géographique. » Pascal FAURE, Directeur général de l’INPI
La protection des indications géographiques contre les dépôts de marques litigieux
Nathalie MARTY-HOUPERT, Responsable du service juridique et international de l’INAO, Fanny HENNEQUIN, Juriste du service juridique et international de l’INAO, Virginia MELGAR, Présidente de la 5e Chambre de recours de l’EUIPO, Sophie PÉTREQUIN, Juriste aux Chambres de Recours de l’EUIPO, et Nathalie GAUTHIER ROUGON, Juriste Marques à l’INPI, se sont retrouvées autour d’une première table ronde consacrée à la protection des indications géographiques dans l’actualité judiciaire et administrative, animée par Olivier HOARAU, Responsable du service des marques à l’INPI.
Nathalie MARTY-HOUPERT et Fanny HENNEQUIN ont initié l’échange en rappelant les différentes actions menées par l’INAO pour la défense des indications géographiques, tant dans le cadre des procédures administratives d’examen de validité, d’opposition ou de nullité, que dans celui judiciaire.
En matière d’activités non-contentieuses, elles ont notamment évoqué la veille des marques déposées et les interventions telles que les courriers d’observations adressés aux déposants ou à l’INPI. « À l’INAO, nous avons un mantra », a précisé Fanny HENNEQUIN : « mieux vaut pas de jurisprudence qu’une mauvaise jurisprudence ! »
En ce qui concerne les actions contentieuses, elle a déroulé les décisions les plus récentes prononcées par les juridictions civiles, pénales, administratives et internationales dans lesquelles l’INAO est intervenue en tant que partie ou à l’appui des autorités françaises.
À sa suite, Virginia MELGAR et Sophie PÉTREQUIN ont apporté des précisions sur la protection des indications géographiques dans l’actualité judiciaire et administrative européenne.
Elles se sont notamment attachées aux sujets des marques en conflit avec les IG et des marques collectives coïncidant avec des IG.
« Il est important de bien lire les textes et de présenter de façon séparée chacun de ses arguments ! », n’a pas manqué de conseiller Virginia MELGAR aux futurs requérants éventuellement présents dans la salle.
Nathalie GAUTHIER ROUGON a clos cette première table ronde en présentant la politique de l’INPI en matière d’atteinte aux IG dans l’examen des motifs absolus et relatifs. Elle a plus particulièrement relevé un renforcement de la protection des IG à tous les stades de la procédure et un positionnement de l’INPI à la fois au regard de la jurisprudence européenne et de la jurisprudence française.
Elle a conclu en soulignant l’importance d’une argumentation étayée et justifiée de la part des requérants, dès le début des procédures.
Enjeux et défis de la protection des indications géographiques
La deuxième table, animée par Antoine GINESTET, Chargé des Indications géographiques à l'INPI, réunissait Marianne CANTET, Chargée de mission au service du contentieux de l’INPI, Me Arnaud LELLINGER, avocat au Barreau de Paris, et Marie-Anne HUMBERT-GENAND, Responsable du service juridique au Comité Champagne, autour des enjeux et défis de la protection des IG.
Marianne CANTET s’est livrée à une véritable exégèse des arrêts de la Cour de Cassation et des décisions des Cours d’appel les plus récents relatifs aux décisions de l’INPI en matière d’IG industrielles et artisanales.
Après avoir donné quelques chiffres clés, elle a évoqué les conditions de validité des IG et de la représentativité des ODG.
Me LELLINGER a ensuite présenté les différents outils juridiques mis à la disposition des producteurs et de leurs groupements pour protéger leurs IG industrielles et artisanales.
« Depuis la pandémie, il y a un intérêt plus marqué pour les produits de qualité, les produits uniques ; le problème, c’est que le consommateur sur Internet ne voit pas ces produits, ne les touche pas ; il peut plus facilement être trompé », a-t-il affirmé pour introduire ses propos, tout en portant l’attention de l’assistance sur le peu de moyens dont disposent aujourd’hui les ODG en matière d’IG concernant les produits artisanaux et industriels.
De son côté, Marie-Anne HUMBERT-GENAND a présenté la précieuse expérience (plus de 80 ans) de son ODG, le Comité Champagne, dans le cadre de sa stratégie de protection de l’appellation d’origine contrôlée « Champagne. »
Elle a en particulier réaffirmé l’impérieuse nécessité d’une veille attentive, reposant à la fois sur les membres des ODG, mais également sur les producteurs et les habitants locaux eux-mêmes.
Perspectives de la réforme sur les indications géographiques agro-alimentaires / industrielles et artisanales
Animée par Marie Roulleaux Dugage, Directrice du département des marques, dessins et modèles, la dernière table ronde de la conférence était consacrée aux perspectives européennes en matières d’IG, qu’elles soient agro-alimentaires ou artisanales, en particulier les évolutions règlementaires récentes qui confortent et structurent leur développement.
Les personnes présentes dans la salle des conférences de l’INPI ont pu retrouver Virginia MELGAR, accompagnée d’Isabelle Ouillon, Cheffe du bureau de la qualité à la Direction générale de la performance économique et environnementale des entreprises (ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté alimentaire).
La commission européenne a mené d’importants travaux de réévaluation du système des IG qui ont conduit tout récemment à l’adoption de deux règlements européens.
Virginia Melgar a évoqué les apports du premier d’entre eux, le règlement UE du 18 octobre 2023 créant un système européen de protection des IG pour les produits artisanaux et industriels, tandis qu’Isabelle Ouillon s’est penchée sur le règlement UE adopté par le parlement le 28 février 2024 sur la protection des IG pour les vins, spiritueux et produits agricoles.