Un accord historique des Nations Unies relatif à la propriété intellectuelle et aux ressources génétiques et savoirs traditionnels associés

03/06/2024
Vendredi 24 mai 2024, les États membres de l’Organisation mondiale de la propriété intellectuelle (OMPI) ont conclu un nouveau traité relatif à la propriété intellectuelle et aux ressources génétiques et savoirs traditionnels associés. Ils marquent ainsi une avancée décisive après plus de deux décennies de négociations. Le point dans les lignes qui suivent.
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Le traité adopté le 24 mai est le premier traité de l’OMPI1 à porter sur les relations entre la propriété intellectuelle, les ressources génétiques et les savoirs traditionnels qui peuvent leur être associés. Il inclut également des dispositions particulières pour les peuples autochtones et les communautés locales.

La Conférence diplomatique qui s’est tenue du 13 au 24 mai 2024, à Genève, représentait la dernière étape avant son adoption.

Présidée par l’ambassadeur Guilherme de Aguiar Patriota, sa convocation avait été décidée par l’assemblée générale de l’OMPI  en juillet 2022 ; mais elle clôturait en réalité près de 25 ans de négociations, débutées en 2001 à partir d’une proposition de la Colombie datant de 1999.

Le nouveau traité entrera en vigueur une fois ratifié par 15 États.

 

Qu’est-ce que les ressources génétiques et les savoirs traditionnels associés ?

La Convention sur la diversité biologique signée lors du Sommet de la Terre, à Rio de Janeiro, en 1992, a défini les ressources génétiques comme le « matériel génétique ayant une valeur effective ou potentielle. » Le nouveau traité signé à Genève reprend cette même définition, qui n’englobe pas les ressources génétiques humaines.

Les ressources génétiques comprennent, notamment, les plantes, les graines, les microorganismes, les races animales ou les séquences génétiques.

Elles ne sont pas brevetables en tant que telles dans la mesure où elles constituent des produits de la nature et ne sont donc pas des inventions.

En revanche, les inventions fondées sur ces ressources peuvent être protégées par un brevet.

Les savoirs traditionnels associés aux ressources génétiques n’ont, jusqu’à aujourd’hui, aucune définition juridique internationale et le nouveau traité les mentionne sans apporter de nouvelle précision sur le sujet.

Il est vrai qu’aux termes des missions d’enquête menées par l’OMPI en 1998 et 1999, il est apparu que chaque pays, chaque culture attribuait une signification différente à cette expression2.

Le Code de l’environnement français les définit ainsi comme « les connaissances, les innovations et les pratiques relatives aux propriétés génétiques ou biochimiques [d’une] ressource [génétique], à son usage ou à ses caractéristiques, qui sont détenues de manière ancienne et continue par une ou plusieurs communautés d'habitants3 […], ainsi que les évolutions de ces connaissances et pratiques lorsqu'elles sont le fait de ces communautés d'habitants. »4

Les produits issus de savoirs traditionnels associés sont nombreux5. On citera, par exemple :

  • le jeevani, provenant d’Inde, développé grâce aux connaissances médicinales de la tribu des Kani à partir de la plante trichopus zeylanicus (ou arogyapaacha) ; ce produit est reconnu pour ses propriétés antistress et antifatigue ;
  • myristica Fragrans, plus connue sous le nom de noix de muscade, utilisée depuis l’antiquité en médecine indienne pour traiter les affections buccodentaires ;
  • barringtonia acutangula appelée localement marjala, est une plante bien connue des Autochtones du clan Jarlmadangah Burru, résidant à Kimberley, au nord-ouest de l’Australie, pour ses propriétés curatives et antalgiques.

 

Que prévoit le nouveau traité ?

Le traité prévoit l’introduction d’une exigence de divulgation6 de l’origine ou de la source des ressources génétiques ou des savoirs traditionnels associés utilisés dans les demandes de brevets.

Cette nouvelle obligation doit être comprise comme une mesure de transparence qui vient compléter les instruments internationaux préexistants (Convention sur la diversité biologique et Protocole de Nagoya) en matière d’accès aux ressources génétiques et aux savoirs traditionnels associés ainsi qu’en matière de partage équitable des avantages découlant de leur utilisation.

Si elle existait déjà dans un certain nombre de législations nationales, la mise en place du nouveau traité aura pour effet d’augmenter le nombre d’États l’appliquant tout en harmonisant cette exigence entre les parties contractantes.

Des sanctions ou des mesures correctives pourront être mises en place en cas de défaut de divulgation par les déposants.

Le texte contient également des dispositions relatives à un système d’information (base de données) qui permettra aux offices de propriété intellectuelle – dont l’INPI – d’accéder aux informations à des fins de recherche et d’examen des demandes de brevets.

Elles contribueront au suivi du respect des dispositions du Protocole de Nagoya7 et permettront de s’assurer que les communautés locales concernées ont bien donné leur accord quant à l’utilisation des ressources génétiques et des savoirs traditionnels associés.

Délégation française OMPI
Cet accord international sur la propriété intellectuelle, les ressources génétiques et les savoirs traditionnels est une avancée majeure. Après plusieurs décennies de travail et de discussions, la conférence diplomatique organisée par l’OMPI a permis de conclure un traité historique.
Pascal Faure, Directeur général de l’INPI

Quel a été le rôle de l’INPI dans l’élaboration du traité et quel sera-t-il dans le cadre de son application ?

En amont de la conférence diplomatique, les experts de l’INPI ont contribué aux consultations des parties prenantes et à l’élaboration des positions et stratégies de négociation de la délégation française.  

L’INPI était également présent à Genève, lors des deux semaines de la conférence diplomatique, aux côtés du ministère des Affaires étrangères.

La mise en œuvre du traité nécessite désormais une définition plus précise de ses modalités d’application, ce qui relève des législations nationales de chacun des pays contractants.

Cela concerne, notamment, le rôle à jouer par les offices de propriété industrielle nationaux, tels que l’INPI.

 

Quelles sont les conséquences pour la France ?

La France héberge une grande variété d’écosystèmes (Forêt amazonienne, récifs coralliens…) et, par conséquent, une grande variété de ressources génétiques et de savoirs traditionnels associés.

Avec ce traité, les informations qui les concernent seront plus facilement disponibles et accessibles pour les administrations en charge de leur gestion. Une meilleure surveillance de leur utilisation et de leur exploitation sera donc possible, ce qui contribuera à leur préservation.

En ce qui concerne les déposants français, une fois le traité entré en vigueur, ils devront se conformer à ses exigences lors d’un dépôt de brevet dans chacun des pays parties au traité.

 

 1 : L'OMPI est l'institution des Nations Unies chargée de promouvoir la protection de la propriété intellectuelle dans le monde entier et d'assurer la coopération entre les différents offices de ses pays membres ainsi que les unions de propriété intellectuelle créées par les traités qu'elle administre.
  2 : V. OMPI, Savoirs traditionnels : besoins et attentes en matière de propriété intellectuelle ; Rapport de l’OMPI sur les missions d’enquête menées consacrées à la propriété intellectuelle et aux savoirs traditionnels (1998-1999), Genève, 2001, p231 et suivantes ; disponible ici
 3 : L’article L412-4 §4 du Code de l’environnement définit ces communautés d’habitants comme « toute communauté d'habitants qui tire traditionnellement ses moyens de subsistance du milieu naturel et dont le mode de vie présente un intérêt pour la conservation et l'utilisation durable de la biodiversité. »
 4 : Article L412-4 §5 du Code de l’environnement
 5 : V. OMPI, Comment protéger et promouvoir votre culture ; guide pratique de la propriété intellectuelle pour les peuples autochtones et les communautés locales, 2017, 65 pages, disponible ici

 6 : V. not. OMPI, Questions essentielles sur les exigences de divulgation en matière de brevets concernant les ressources génétiques et les savoirs traditionnels, 2020, 105 pages, disponible ici
 7 : Issu de la Convention sur le Diversité biologique, ce protocole vise l'accès aux ressources génétiques et le partage juste et équitable des avantages découlant de leur utilisation.

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